Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 octobre 2015 4 01 /10 /octobre /2015 20:09

* historienne, institut d’histoire moderne contemporaine (ihmc), cnrs/ens.

Présentation

Au terme de sept décennies d’existence de l’Onu, quel bilan tirer de cette institution souvent critiquée, que le général de Gaulle lui-même avait surnommé avec mépris « le machin » ? Les articles de ce dossier qui paraît au moment du soixante-dixième anniversaire de l’Onu y contribuent, chacun avec leur approche propre. Ils montrent les atouts de l’Onu, son action souvent progressiste, mais aussi ses faiblesses, que la « réforme » tant attendue de l’institution n’a pas réussi pour l’heure à pallier. Dans l’ensemble, il faut souligner le caractère souvent précurseur de l’Onu, qui a au fil des années imposé des notions et des valeurs importantes, comme celles de « droits humains », de « maintien de la paix », de « développement durable », de « patrimoine mondial », de « sécurité humaine » ou de « responsabilité de protéger ».

L’Onu a également élaboré un corpus de normes progressistes, comme la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la Convention sur le génocide la même année, la Convention de l’OIT sur l’abolition du travail forcé en 1957, les deux pactes de 1966 (Pacte sur les droits civils et politiques et Pacte sur les droits économiques et

sociaux), l’affirmation de l’objectif d’un « nouvel ordre économique international » en 1974, la Charte des droits et devoirs économiques des États en 1974, la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination contre les femmes en 1980, la Déclaration sur le droit au développement en 1986, la Convention internationale sur les droits de l’enfant en 1989, la formulation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2000. Tous ces textes sont des jalons importants de l’élaboration de normes internationales dans le domaine des droits humains. Il faut saluer l’œuvre souvent pionnière des Nations unies en matière de droits humains, comme l’illustrent encore la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants de 1990 et la Déclaration des droits des peuples autochtones de 2007. Mais il lui reste à surmonter beaucoup de dysfonctionnements : le problème de l’obstruction exercée par les États-Unis (qui n’ont pas ratifié nombre de textes normatifs de l’Onu comme la Convention sur les droits de l’enfant de 1989 ou celle sur la diversité culturelle de 2005, et ont même retiré leur financement à l’Unesco depuis 2011), le problème des liens croissants avec le secteur privé, encouragés par Kofi Annan depuis son « Pacte mondial » lancé en 2000, et le problème de la marginalisation croissante des Nations unies, concurrencées par d’autres acteurs : G7 puis G8, G20, OCDE, Otan, Banque mondiale, OMC, ONGs et fondations privées… Comment envisager une évolution positive de l’Onu, afin que cette institution internationale, qui reste la plus légitime car la plus universelle et démocratique, puisse véritablement jouer son rôle de

« gouvernement du monde », dont la communauté internationale a tant besoin ? Peut-être en mettant fin au système périmé des cinq membres permanents dotés du droit de veto, et en faisant des délégués à l’Assemblée générale des représentants élus des peuples du monde ; également en améliorant la portée des conventions onusiennes, en leur donnant une véritable force contraignante. Enfin en séparant mieux les Nations unies des intérêts privés.

Une Onu plus puissante, dotée d’une force contraignante, se chargerait notamment de réguler la mondialisation économique, de rendre impossible les paradis fiscaux, d’opérer une redistribution mondiale des richesses, de contrôler la politique sociale des firmes multinationales. L’Onu a également un grand rôle à jouer dans les problèmes transnationaux qui deviennent de plus en plus nombreux, comme les problèmes environnementaux, la diffusion des maladies dans le monde, le terrorisme, la mafia, etc. À l’heure où le fossé économique et social ne cesse de se creuser, les Nations unies apparaissent comme un mécanisme indispensable. Les articles de ce dossier, abordant chacun un aspect particulier de l’action onusienne, permettent de s’en rendre compte.

Partager cet article
Repost0

commentaires