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Des militaires mutins en Guinée-Bissau ont arrêté jeudi le Premier ministre et le chef d'état-major de l'armée, et pris le contrôle de la capitale de ce petit pays pauvre d'Afrique de l'Ouest, plaque tournante d'un important trafic de cocaïne.
Les Etats-Unis et le Portugal, ancienne puissance coloniale, ont aussitôt appelé au retour de "l'ordre constitutionnel" dans ce pays, marqué par l'instabilité politique depuis des années, tandis que la France a dénoncé un "coup d'Etat".
Pour sa part, le président du pays, Malam Bacai Sanha, qui n'a pas été inquiété par les mutins, a assuré que la situation était "calme", invoquant une "confusion entre militaires".
Le chef d'état-major adjoint, le général Antonio Indjai, a assuré avoir pris la direction des forces armées, lors d'un entretien téléphonique avec l'AFP. Il a annoncé qu'il voulait faire juger le Premier ministre Carlos Gomes Junior et a menacé de l'"assassiner" si des manifestations en sa faveur ne cessaient pas.
Jeudi matin, des soldats ont interpellé le Premier ministre au siège du gouvernement pour le conduire dans une caserne, avant de le ramener à son bureau puis à sa résidence privée.
Les mutins ont également arrêté le chef d'état-major de l'armée, le général José Zamora Induta, et une "quarantaine d'officiers".
A la nouvelle de l'arrestation de M. Gomes Junior, plusieurs centaines de personnes --sympathisants du Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap vert (PAIGC, au pouvoir, ex-parti unique)-- se sont rassemblées devant le siège du gouvernement à Bissau pour exiger sa libération.
"Libérez Cadogo (surnom du Premier ministre), nous en avons assez des violences", scandaient les manifestants.
"Je suis en train de perdre patience, si les jeunes continuent encore à occuper les rues, je vais assassiner Cadogo", a assuré un peu plus tard le général Antonio Indjai. "Cadogo est un criminel et il doit être jugé comme tel", a-t-il ajouté.
Auparavant, le général Indjai était apparu devant la presse accompagné par l'ex-chef de la Marine, le contre-amiral José Américo Bubo Na Tchute, accusé de tentative de coup d'Etat en août 2008 et qui était réfugié dans les locaux de l'Onu à Bissau depuis le 28 décembre 2009.
"Il y a eu une situation de confusion. Il y a eu de la confusion entre militaires qui a débordé jusqu'au gouvernement, mais la situation est calme", a affirmé de son côté le président de Guinée-Bissau, Malam Bacai Sanha, sur la radio portugaise Antena 1.
"Nous allons essayer de travailler afin de résoudre le problème qui existe", a-t-il ajouté.
La Guinée-Bissau, au sud du Sénégal, compte 1,5 million d'habitants qui vivent dans la misère. Baigné par l'Atlantique, il est considéré comme un pays de transit pour le trafic de la cocaïne sud-américaine vers l'Europe.
L'armée est très influente dans ce petit pays, indépendant depuis 1974 et ravagé par une guerre civile à la fin des années 1990, et son implication dans le narcotrafic a souvent été évoquée.
Le Portugal a "condamné avec véhémence" les troubles et appelé au "retour immédiat" de l'ordre constitutionnel dans son ancienne colonie.
Les Etats-Unis ont emboîté le pas: "Nous voulons voir l'ordre constitutionnel restauré dès que possible", a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine Philip Crowley, qui a souligné que les Etats-Unis étaient "de façon générale contre les coups d'Etat et la violence".
Le ministre français des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner, a dénoncé un "coup d'Etat" et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) des "tentatives de déstabilisation".
Le président de la Commission de l'Union Africaine (UA), Jean Ping, a appelé les militaires à "respecter la discipline républicaine" et à "s?abstenir de tout acte susceptible d?avoir un effet déstabilisateur sur le fonctionnement normal des institutions démocratiquement élues".