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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 22:15

Discriminer, "c’est l’action de séparer, de distinguer des individus ou des groupes selon des critères sociaux particuliers. Le terme est le plus souvent utilisé pour désigner des formes de discriminations négatives, le racisme par exemple pour lequel les individus sont désignés selon leurs traits corporels et stigmatisés péjorativement[1]". En France, selon l’INSEE la notion d’étranger est fondée sur la nationalité, l’étranger est donc celui qui n’a pas la nationalité française, mais il peut l’acquérir. On peut donc devenir français par acquisition.

 

La culture politique et juridique française récuse tout dénombrement officiel en fonction des origines nationales, ethniques ou religieuses. Elle n’a jamais donné lieu à des mesures correctives de l’inégalité entre groupes organisés en tant que tels.

L’histoire politique de la France nous enseigne que la lutte contre les discriminations et le racisme a revêtu plusieurs formes dès les premières années de la révolution de 1789 à nos jours, avec comme toile de fond le principe de l’égalité. Depuis le milieu des années 2000 un glissement sémantique voire idéologique s’est opéré dans le vocable de la lutte contre les discriminations en y associant confusément deux concepts ou notions: la "promotion à l’égalité des chances" et la "diversité".

 

Toutefois, le principe d’égalité dans son acception de 1789 a exercé une grande influence sur l’organisation de la vie politique en France. Condorcet dans ses combats pour l’égalité y a puisé son inspiration fondée sur la lutte contre les inégalités mettant l’homme dans une situation d’asservissement. Il a ainsi dénoncé l’inégalité des droits des protestants et du statut des Juifs. Il a été le précurseur de la défense de la cause des Noirs et de l’abolition de l’esclavage. Condorcet a donc été le premier à inscrire son action dans la lutte pour l’égalité et le respect des femmes, notamment sur le plan politique. Il a défendu l’idée selon laquelle pour promouvoir l’égalité il faut également lutter contre les discriminations.

 

Sous la IIIe République le principe d’Egalité est associé à la notion de chance. L’action publique fondée sur l'éducation gratuite, laïque et obligatoire s’oriente alors vers la jeunesse et l'enfance considérées comme une cause nationale.

Il résulte que la mission assignée à l'école n’est pas de réduire les inégalités sociales mais de donner à chacun la chance de se faire une place dans la société.

 

En 1918, "les compagnons de l'université" ont lancé un grand projet de réforme de l'enseignement dans lequel l'école unique a été pensée comme un lieu de formation des citoyens afin qu'ils participent par leur travail et à hauteur de leurs capacités, à la prospérité générale. Ce projet qui a fait l’objet d’un débat important a donné naissance au concept "d'égalité des chances".

Ainsi la troisième République a fait de l’école un levier au service de la promotion de l’égalité des chances.

 

En 1940 dans une déclaration, le maréchal Pétain  a préconisé de  substituer aux principes égalitaires l'idée d'égalité des chances : "Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l'idée fausse de l'égalité naturelle des hommes mais sur l'idée nécessaire de l'égalité des “chances”, données à tous les Français de prouver leur aptitude à servir... Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire et qui constitueront les cadres nécessaires au développement du bien-être et de la dignité de tous ". 

 

De 1945 à 2004 la France a inscrit son action en faveur de l’égalité dans une double démarche d'assimilation et d’intégration en s’appuyant sur une législation abondante mais jamais respectée, notamment sur la reconnaissance des anciens esclaves comme citoyens à part entière, la reconnaissance formelle des anciens colonisés, l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les discriminations liées au handicap, à l’origine à l’appartenance syndicales.

En réalité la politique de la France en matière de discriminations n’a jamais été clairement définie de sorte que les employeurs privés ou publics ne se la sont jamais appropriés. Ces lois seront énoncées ultérieurement.

 

Nous pourrons aussi observer combien l’intégration dite républicaine a parfois du mal à fonctionner. Avons-nous toujours bien travaillé sur nos propres stéréotypes ? Dans les périodes de crises nous pouvons observer combien l’Autre peut être considéré comme le responsable de tous nos maux. Quand le problème de la carte de séjour a été réglé, c’est celui de la nationalité qui a surgi avec son lot de problèmes, plus pour les uns que pour les autres. Les Algériens se sont heurtés à des difficultés particulièrement importantes[2].  

Après les recommandations de la communauté Européenne puis sous le mandat du Président Jacques Chirac et du gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin la responsabilité des acteurs économiques, c'est-à-dire des employeurs, a été mise à l’index, essentiellement pour les cas de discriminations liées à l’origine et à l’égalité Femmes / Hommes. Par ailleurs, il importe de souligner que le sexisme a été et est la cause primaire et universelle de la discrimination.

 

En 1999, le premier dispositif de lutte contre les discriminations a été expérimenté dans la région Rhône Alpes. Il s’agissait de l’Action spécifique pour l’égalité des chances au travail, (ASPECT). L'objectif était d’instaurer un débat sur la lutte contre les discriminations raciales dans le monde du travail, en mobilisant les partenaires sociaux, les acteurs de l’emploi et les collectivités territoriales sur cette question.

 

En 2004 le concept de l’égalité des chances a revêtu un autre sens avec monsieur Azouz Begag qui sera nommé à la suite de son rapport ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances dans le gouvernement de Dominique de Villepin. Dans un rapport intitulé "la République à ciel ouvert" destiné au ministre de l’intérieur, monsieur Azouz Bégag ne parle plus de "lutte contre les discriminations" mais propose une approche nouvelle : l’abandon de la notion "d’intégration" et "d’égalité" au profit de la “promotion à l’égalité des chances", deux concepts aux objectifs diamétralement opposés.

 

Quant à Dominique de Villepin, alors chef du gouvernement, il a mis l’accent sur la notion "d’égalité des chances" qu’il a décliné ainsi : "L’urgence aujourd’hui, c’est de faire de l’égalité des chances une réalité pour tous, avec deux leviers : l’emploi et l’éducation" et de poursuivre :"L’année 2006 sera l’année de l’égalité des chances".

 

En revanche pour le professeur Roland Pfefferkorm de l'université Marc Bloch la promotion à l’égalité des chances, est un concept destiné à justifier les inégalités.

Ce riche débat sur le concept de l’égalité des chances a abouti à la transformation des CODAC (Commissions d’Accès à la Citoyenneté) en COPEC (Commission pour la promotion de l’égalité des chances) et du FASILD (Fonction d’Action Sociale d’Insertion et de Lutte contre les Discriminations) en ANCSEC (Agence nationale de cohésion sociale et d’égalité des chances) dans le cadre de la loi sur la promotion de l’égalité des chances.

 

En 2004 le rapport de Yazid SABEG et de Laurence MEHAIGNERIE, de l’institut Montaigne, sur "Les oubliés de l’égalité des chances. "Participation, pluralité, assimilation… ou repli" ?,  évoque  le "risque d’éclatement communautaire "et préconise de " rendre égales des situations qui ne le sont pas" par la mise en œuvre d’actions positives à la Française conjuguée à la volonté des entreprises à refléter dans leurs effectifs la diversité ethnique, à mérites et compétences égaux. Dans le prolongement de ce rapport a été recommandée la mise en place d’une Charte de la diversité destinée "à favoriser le pluralisme et à rechercher la diversité au travers des recrutements et de la gestion des carrières (…) devant contribuer à la lutte contre toutes les formes de discriminations".  Le développement de la Charte de la diversité est assuré par l’Institut du Mécénat Social.

 

Le glissement sémantique observé dans le passage de "la lutte contre les discriminations" à "la promotion de l’égalité des chances et la diversité" ne serait-il pas qu’une construction  idéologique qui traduirait une véritable contre-offensive à la loi de novembre 2001 ?



[1] Pierre Ansart in Dictionnaire de sociologie Le Robert. Edition le Seuil 1999.

[2] Patrick Weil,  La République et sa diversité. Immigration, intégration, discriminations. Edition La République des idées, le Seuil.111 pages. 2006. .

 

Martine Valla

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