Conférence de Presse,
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF.
8 avril 2013
L'heure est grave pour la France. Les aveux de fraude de Jérome Cahuzac, et les révélations d'énormes évasions fiscales
organisées par des banques, des chefs d'entreprises et des personnalités politiques vers les paradis fiscaux, provoquent la colère et l'indignation. Ces scandales jettent le discrédit sur notre
pays, son gouvernement. Ils symbolisent – non pas seulement la dérive personnelle hautement condamnable d'un ministre – mais l'emprise toujours plus étouffante des logiques de l'argent, les
forces de la finance sur la vie sociale, économique et politique de la France.
En mai dernier, c'est pour en finir avec cette domination du fric - que la droite de Nicolas Sarkozy incarnait avec toujours
plus de cynisme et d'autoritarisme – que les Français ont voulu le changement de politique. Le message de la majorité du pays était très clair : combattre le règne de la finance,
reconstruire une République sociale, solidaire et éthique.
Aujourd'hui, les Français se sentent trahis. Ils sont de plus en plus nombreux à ne pas reconnaître dans la politique
actuelle une politique de gauche. Le scandale Cahuzac sonne, dans ces conditions, comme un coup de massue. Celui qui incarnait la politique d'austérité imposée sans son accord à notre
peuple, était un professionnel de l'évasion fiscale !
C'est insupportable. Le désaveu populaire est massif. La politique de François Hollande et du gouvernement
Ayrault n'a plus la confiance des Français. Et surtout de celles et ceux qui, majoritairement, ont voulu mettre la barre à gauche, vers le retour de la justice sociale et de l'égalité dans la
République.
Ce qui rend la situation plus insupportable encore, c'est que le Président de la République et le gouvernement s'entêtent à
ne rien entendre de l'exigence du pays de voir la politique de la France changer de cap.
Soumission aux politiques d'austérité européennes, explosion du chômage, échec des prévisions économiques du
gouvernement, pacte de compétitivité égal à 20 milliards de cadeaux fiscaux supplémentaires pour les entreprises, tentative de transcription de l'accord de l'ANI dans la loi avec le soutien du
Medef … la politique du gouvernement amplifie la crise au lieu de la combattre.
Et quand le choc Cahuzac révèle cet insupportable fossé : les sacrifices pour les uns, l'évasion fiscale pour les autres,
rien ne devrait changer !
Le pays est atterré. La France va à la catastrophe si tout continue comme cela. Il faut sauver notre pays du désastre
politique qui s'annonce.
Pour cela il y a une urgence : un changement de cap fort, global, concret, rapide de la politique nationale, pour mettre en
œuvre une nouvelle politique résolument de gauche qui s'attaque au pouvoir de la finance et restaure le pouvoir démocratique des citoyens, des élus eux aussi bafoués, sur les choix de la
République. L'ennemi c'est la finance.
La crise ce n'est pas les « élus tous pourris » comme le chante le Front national, lui même éclaboussé dans l'affaire
Cahuzac.
La solution, ce n'est plus seulement une moralisation de la vie politique réduite au seul contrôle accru – certes
nécessaire – du patrimoine des élus et des ministres.
La vérité c'est qu'au cœur de la crise, se trouvent deux grands causes :
1. La domination organisée de la finance, des marchés financiers, de leurs critères d'évaluation et
de rentabilité, sur toutes les activités de la société, sur tout notre système économique et institutionnel. Que ces pratiques passent par des voies légales ou frauduleuses.
2. Le dessaisissement là encore organisé, au profit de la finance, des citoyens, des salariés, des
institutions élues sur tous les grands choix qui engagent la vie des citoyens et du pays. La souveraineté populaire est minée de toute part.
Dans ces conditions, le Parti communiste lance un double appel :
• à la mobilisation de toutes les forces, de toutes les citoyennes, tous les citoyens qui ont voulu le
changement au printemps dernier, pour reprendre en main le cap du redressement de la France.
Partout, sous toutes les formes possibles, prenez la parole, reprenez le pouvoir, dites haut et
fort : nous voulons la politique de gauche pour laquelle nous avons voté l'an dernier, et pas cette politique d'austérité et d'inégalités qui mène la France
dans le mur.
• à la construction populaire et démocratique d'un nouveau contrat politique pour le pays, autour de deux
axes :
• Un programme de lutte contre la domination de la finance, avec une réforme fiscale d'ampleur ; un
contrôle public et démocratique sur les banques, le crédit, la monnaie et la finance ; la priorité donnée aux salaires, à la protection sociale, à la sécurisation de l'emploi, aux services
publics, à l'investissement industriel et écologique contre les dividendes et la rentabilité financière. La France doit résister aux injonctions d'austérité de l'Europe.
• Une refondation démocratique de nos institutions par un processus constituant jusqu'à une 6e république :
avec une lutte contre les conflits d'intérêts, entre le monde des affaires et les institutions politiques, une réelle indépendance de la justice, une démocratisation des élections par la
proportionnelle, de nouveaux droits pour les salariés dans les entreprises, pour que l'intérêt général guide notre organisation sociale et économique, la remise en chantier de l'acte 3 de la
décentralisation aujourd'hui largement rejeté dans le pays
C'est autour de ces axes que doivent se rassembler les forces de changement, les citoyens qui refusent la dérive actuelle,
pour reconstruire un nouveau contrat majoritaire, une nouvelle majorité, un nouveau gouvernement.
Dans l'immédiat, nous faisons quatre propositions :
1. Suspendre immédiatement le débat parlementaire sur l'ANI, qui creuserait encore le fossé avec les forces
sociales de notre pays. J'appelle solennellement les parlementaires de gauche à prendre la mesure de leurs responsabilités, en cas d'adoption de ce texte. Et mettre à l'ordre du jour un débat
immédiat sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. (cf rapport d'Eric Bocquet – commission d'enquête du Sénat sur la fraude et les évasions fiscales).
2. Engager toutes les forces disponibles pour exiger un changement de cap de la politique dans la
préparation de la grande marche citoyenne, décidée pour le 5 mai prochain. Notre engagement se fait sur une base claire et unique. Celle de la déclaration commune de toutes les forces du
Front de gauche du vendredi 5 avril 2013 : « contre l'austérité et la finance, marche citoyenne pour la VIe République », et de l'appel qu'elle contient, « à toutes les forces de gauche, et
individus qui ont voulu le changement en mai dernier », d'organiser avec nous cette marche.
3. Lancer dans tout le pays, la réunion d'assemblées citoyennes ouvertes à toutes ces forces pour
travailler les bases d'un nouveau contrat politique de changement majoritaire.
4. Préparer avant l'été une première grande étape de ce travail citoyen et populaire pour la tenue
d'assises nationales pour la refondation sociale et démocratique de la République.
Vous l'aurez compris, l'heure n'est pas à mes yeux à diviser, à opposer, à écœurer.
L'heure est à rassembler, à unir, à construire. La solution réside plus que jamais dans la mobilisation et
l'intervention active de notre peuple