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1 mai 2013 3 01 /05 /mai /2013 14:20

Monde - le 1 Mai 2013

Nourredine Hached : "On n'assassine pas les idées"

Le 5 décembre 1952, le syndicaliste tunisien Fahrat Hached était assassiné par la « Main rouge », organisation armée favorable à la présence française en Tunisie. 60 ans après sa disparition, la Ville de Paris lui a rendu hommage en attribuant une place à son nom dans le 13e arrondissement.

Sous un ciel gris et dans le vacarme des travaux du quartier de la Bibliothèque François Mitterrand en pleine mutation, plusieurs centaines de personnes ont répondu présent à un hommage inhabituel et vibrant. Syndicalistes, élus et militants associatifs (Vérité et Justice, Ligue des droits de l’homme) étaient suspendus aux lèvres d’intervenants venus célébrer la mémoire de Fahart Hached.

A la tribune, Nourredine, diplomate tunisien et fils de Fahrat Hached, ne cache pas son émotion : « la grande absente aujourd’hui est notre mère, souffrante, qui a attendu 61 ans cette reconnaissance. Elle est extrêmement touchée par ce geste hautement symbolique ». Remerciements effectués, il « en appelle aujourd’hui à l’Etat français pour mettre en lumière les conditions de l’assassinat de son mari ». Il poursuit : « l’UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens), cette grande œuvre créée par mon père, continue de vivre. Elle est plus que jamais utile dans un contexte sociale et économique aussi critique. » Le fils Hached insiste sur « une cérémonie qui est la première du genre et la reconnaissance concrète d’une personnalité valeureuse, porteuse d’un projet travailliste et progressiste qui résonne bien au delà de la Tunisie ». Sous les applaudissements, il conclue : « on n’assassine pas les idées. »

Houcine Abassi, ancien instituteur et actuel secrétaire général de l’UGTT, déclare au micro : « notre organisation apprécie à juste mesure cette initiative. C’est un pas encourageant pour consolider la solidarité entre nos deux pays. Malgré les blessures encore ouvertes, cette coopération entre les peuples français et tunisien n’en sortira que plus renforcée. » Incriminant la Main rouge, « milice meurtrière » suspectée d’avoir été crée par certains agents des services secrets français (SDECE), il exige que « la vérité soit faite sur la responsabilité de cette organisation dans ce crime et celle de ses appuis français de l’époque».

"Nous avons le droit à la vérité"

Bertrand Delanoë, Maire de Paris, abonde ce point de vue : « Ce moment n'est pas neutre. Il n’y a pas de colonialisme avec des effets heureux. Car il ne peut y avoir d’émancipation là où il y a domination. Je demande avec amitié mais détermination à Jean-Marc Ayrault et Laurent Fabius d’ouvrir les archives. Nous avons le droit à la vérité ». Saluant la présence nombreuse et visible de cette « Tunisie au travail » à l’inauguration, il tranche: « Farhat Hached a été assassiné par l’extrême droite colonialiste française ».

Dans le public, l’historien Gilles Manseron, qui a participé le 12 janvier à un colloque à l’Assemblée nationale sur la question des crimes coloniaux, est venu apporter son soutien. Il considère de son côté que plusieurs associations et chercheurs « disposent d’assez d’éléments pour établir que cet assassinat a été le fait d’une décision politique française derrière le paravent de la Main rouge». Il invite les pouvoirs publics à s’appuyer notamment sur «le journal du Président Vincent Auriol qui nous apprend des choses sur ce sinistre épisode».

Bernard Thibault, ancien secrétaire général de la CGT, a tenu lui aussi à venir témoigner sa solidarité. Il se réjouit du fait qu’au dernier Congrès de la CGT un protocole rapproché ait été signé avec l’UGTT. Il salue la mémoire « de ce grand syndicaliste tunisien, internationaliste qui a rayonné dans les milieux travailleurs et dont le premier engagement a été celui de la CGT française. »

A la sortie de la cérémonie, Nourredine Hached est assailli par les journalistes. Il répète qu’il ne cherche ni repentance ni indemnisation de la part de l’Etat français. Il estime en revanche « qu’il est temps d’ouvrir ce livre du passé, de fournir les éléments qui permettront sereinement de regarder la vérité, de la juger. » Il renchérit, en forme de conclusion : « Nous demandons que la France soit au niveau de l’amour que nous lui portons ».
Il confie sentir "pour la première fois quelque chose vibrer, une voix possible".

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