Visite à Mumia Abu-Jamal (février 2011)
Saint-Denis et Mumia …
Pour la quatrième fois, en quelques années, Patrick Braouezec (*), accompagnée de
Mireille Fanon-Mendes France, a rendu visite à Mumia Abu-Jamal dans la prison de l'Etat de Pennsylvanie à Waynesburg.
En décembre 2011, il y aura 30 ans que Mumia est enfermé dans le couloir de la
mort pour un crime qu'il nie avoir commis.
En avril 2011, il y aura 5 ans que la ville de Saint-Denis a donné le nom de
Mumia Abu- Jamal à l'une de ses rues. La ville de Philadelphie a tenté, par des pressions diplomatiques, de mettre fin à cette nomination. Saint-Denis a résisté et ses habitants espèrent pouvoir
un jour accueillir Mumia Abu-Jamal.
Cet anniversaire sera l'occasion de rappeler aux citoyens que la peine de mort
est toujours d'actualité aux Etats-Unis, alors que ce pays se targue d'être un modèle de démocratie et affirme respecter l'ensemble des droits humains, dont le plus essentiel: le droit à la vie.
Ce sera aussi le moment de continuer et de renforcer la mobilisation pour Mumia qui, plus que jamais, est sous la menace d'une nouvelle décision de peine de mort.
Lors de l'audience de novembre dernier, les juges auraient dû trancher entre la condamnation à mort immédiate et la sélection d'un nouveau jury qui statuerait entre peine capitale ou emprisonnement à vie. Dans les deux cas Mumia serait
condamné à mourir en prison. Ils ont remis leur décision à plus tard.
Pour autant, le fond de l'affaire n'est toujours interrogé, entre autres le fait que Mumia n'a pas eu droit à un procès juste et équitable, et que plusieurs procédures sont le
signe manifeste d'un déni de droit dont est majoritairement victime la population afro-américaine.
New York: rencontres et
projets …
Mumia a dû mettre fin à l'assistance légale de Maître Robert Bryan
et est aujourd'hui assisté par le Fonds de défense légale, proche de l'Association pour la promotion des gens de couleur (NAACP).
Pour les nouveaux défenseurs de Mumia l'important, avec ce cas, est
de démontrer et de dénoncer les graves violations qui l'ont entaché et d'assurer «la population de couleur» que la justice est la même pour l'ensemble des condamnés dans les Cours de justice de
Pennsylvanie.
Le plus important est tout d'abord de réussir à éloigner la
condamnation à mort. Ensuite, l'équipe reprendra point par point l'ensemble des éléments qui demandent à être re-interrogés parce ce qu'ils sont entachés de nombreuses
irrégularités.
Avant de partir à Pittsburgh, le comité new-yorkais de soutien à
Mumia a organisé une réunion à laquelle ont participé plus de 20 personnes. Réunion où se sont échangées des nouvelles et des informations. Ambiance amicale et solidaire. Tous les membres sont
très reconnaissants de l'investissement français des soutiens à Mumia et toujours très admiratifs de la ville de Saint-Denis qui a refusé de plier devant les pressions américaines.
Deux autres rencontres ont eu lieu. L'une avec l'Association
caraïbééne de Philosophie qui va organiser son prochain congrès international en septembre à l'Université Rutgers dans le New Jersey. La réflexion à laquelle participera Patrick Braouezec portera
sur l'Université, l'éducation publique et la transformation de la société. L’autre rencontre a permis d'avoir un entretien prolongé avec Malaak
Shabazz, une des plus jeunes filles de Malcom X. Elle s'occupe du Centre Malcom X où sera organisée une soirée pour le cinquantième anniversaire de la mort de Frantz Fanon.
Waynesburg, visite à Mumia …
L'arrivée à la prison de Waynesburg, comme à chaque fois, suscite sentiment de colère et stress. Les conditions de sécurité sont poussées à un tel niveau que l'on se demande s'il est
encore possible de respirer normalement.
Longue attente, recherche de drogue sur les mains et les vêtements,
longs couloirs à parcourir.... Enfin, nous arrivons, et pour une fois nous avons droit au boxe 18 qui est un des plus «spacieux». Mumia nous attend.
Les premiers échanges sont chaleureux. L'aurions nous seulement
quitté la veille, comme un ami avec qui nous aurions passé la soirée? Il a cette force incroyable de pouvoir annuler la vitre épaisse qui nous sépare, la couleur bleu sale des murs, la
combinaison orange, l'obligation de hausser la voix pour s'entendre …
Non, il n'est pas très optimiste sur la décision que prendront les
trois juges de la Cour d’Appel Fédérale ... Oui, il suit avec passion le désir d'échapper enfin à la dictature, à la violence des pouvoirs hérités de la colonisation de ces millions de personnes
qui viennent de se lever.
Nous allons, pendant trois heures, échanger sur la situation
politique actuelle, sur l'impact du forum mondial social qui vient de se terminer à Dakar, sur les conditions politiques et philosophiques qui
pourraient permettre la création d'une forme politique rassemblant largement ... Et bien sûr, il est très intéressé à avoir des éléments de réflexion sur ce qui se passe en France tant au niveau
économique, politique, social que sur les politiques répressives qui touchent nombre de citoyens, mais aussi sur ce qui se passe à Saint-Denis.
Il est ravi d'apprendre que le 5ème anniversaire de
« sa » rue sera fêté et que certains de ses soutiens américains pourront y participer.
Trois heures sont passées. Nous ne nous en étions pas aperçus. Il
faut nous quitter. Comme à chaque fois, la fin de la visite est difficile. Laisser un ami dans cet endroit est dur. Nous re-parcourons les longs couloirs, sans un mot, récupérons nos affaires et
ce n'est que lorsque les barbelés se font invisibles dans les rétroviseurs que nous parlons !
Février 2011
(*) Patrick Braouezec est député de Seine
Saint-Denis, membre du groupe « Gauche Démocrate et Républicaine » à l’Assemblée Nationale et Président de la communauté d’agglomération Plaine
Commune.