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Frédéric Chopin à la folie, passionnément…
Pour fêter
le bicentenaire de la naissance du compositeur, les pianos Pleyel invitent à entendre son œuvre
durant deux jours à Paris et à Châteauroux.
Un week-end de folie pour Chopin. C’est ce que nous proposent les pianos Pleyel, à l’origine d’un événement
exceptionnel. En effet, durant deux jours, à Paris et à Châteauroux, on va pouvoir vivre quinze heures de musique non-stop composée par le maître. Un événement unique qui se déroulera salle
Pleyel et au Tarmac de Châteauroux. Entretien avec Arnaud Marion, directeur artistique des pianos Pleyel, qui fut également à l’origine du projet de rénovation de la salle
Pleyel à Paris.
Qu’est-ce qui fait, selon vous, la particularité du son des pianos Pleyel ?
Arnaud Marion. La première particularité, c’est la sonorité.
Une sonorité extrêmement romantique. On disait des pianos Pleyel, au temps d’Ignace Pleyel (fondateur de la manufacture) qui était autrichien naturalisé français, que c’étaient les plus
viennois des pianos français. Il y a ce côté très Europe centrale du piano avec un son rond, coloré, puissant dans les graves, scintillant dans les aigus, équilibré dans les médiums. Il y a une
belle couleur harmonique. La difficulté pour Pleyel aujourd’hui, c’est qu’il lui faut se battre avec les pianos chinois qui arrivent et qui sont vendus à prix de détail 1 500 euros TTC. Il a
fallu lutter en faisant des pianos haut de gamme et irréprochables.
Comment faire, dans ces conditions, pour rayonner aujourd’hui ?
Arnaud Marion. Ce que nous avons voulu avec M. Hubert
Martigny (président de la manufacture Pleyel) depuis neuf ans, c’est faire réexister la marque auprès du grand public. Faire en sorte qu’elle veuille dire quelque chose, qu’il y ait un ADN fort
dans l’esprit des gens. Pleyel, c’est le piano de Chopin, c’est du piano à queue haut de gamme. Ce sont de beaux pianos sur le plan esthétique et sonore. Tout cela diffuse la marque et
participe de notre notoriété. Ce qui fait qu’aujourd’hui, on a des pianistes qui viennent vers nous par rapport à la sonorité des pianos.
Pourquoi êtes-vous revenu à Saint-Denis en 2007 après avoir été longtemps à Alès ?
Arnaud Marion. Parce que Saint-Denis, c’est notre histoire
de 1864 à 1961 avec la grande usine de Pleyel à l’emplacement de la tour du même nom. Un siècle de présence. Les pianos Pleyel, c’était Saint-Denis. Nous voulions être sur un lieu de passage,
pas loin de Roissy, de Paris, du showroom et de la salle Pleyel. Je trouvais ça magnifique de revenir ici, en banlieue. C’est très intéressant en termes de mixité sociale, de population, d’être
à Saint-Denis. Dans notre atelier, on parle sept langues, il y a six nationalités différentes. Nous travaillons avec la Fondation d’Auteuil qui nous envoie des orphelins apprentis. On travaille
avec des décorateurs, des designers, mais je n’oublie pas que nous travaillons avec des ouvriers qui font ces objets de luxe. Le meilleur lien que nous puissions trouver, c’est de nous situer
dans une ville où l’historique industriel est très fort. C’est un choix sociétal. Ici, on s’y sent bien, on est chez nous. On a été accueillis à bras ouverts par les politiques locaux, qui
avaient une vraie volonté de retrouver une marque aussi prestigieuse chez eux.
Vous aimez définir Pleyel comme un « acteur de réintégration du 93 ».
Allez-vous en direction
des jeunes ? Quelles actions menez-vous dans ce
domaine ?
Arnaud Marion. Nous avons accueilli sur notre site près de
5 000 personnes depuis 2007. On a eu ainsi une quinzaine de gamins l’an dernier, avec qui on a fait une visite de la manufacture, de la salle Pleyel, on a organisé un cours d’improvisation
de piano avec un prof délirant qui arrive à les faire jouer au bout d’une heure à deux heures quelques rythmiques. Le but est de faire émerger le talent de ces enfants. C’est aussi leur montrer
que le piano n’est pas quelque chose d’inaccessible, que l’on peut en faire son métier. Dans notre manufacture, il y a vingt métiers manuels, du vernisseur, ponceur au menuisier. On ne trouve
plus ces corps de métier. Travailler en direction des jeunes, c’est permettre des révélations personnelles. Favoriser une politique d’apprentissage, c’est quelque chose que je veux développer
pour pouvoir former systématiquement des jeunes.
Parlez-nous des célébrations « Bon anniversaire
Monsieur Chopin » ?
Arnaud Marion. Au moment du bicentenaire des pianos Pleyel,
il y a deux ans, on a fait cinq concerts dans la même journée, soit 10 000 personnes à la salle Pleyel. On n’avait encore jamais fait cela à Paris. Là, on a voulu faire une sorte de
performance, à savoir jouer toute la musique composée par Chopin au piano en un seul week-end. Quinze heures de musique ! Chopin a aussi vécu entre Paris et Nohant, où a vécu George Sand.
Châteauroux étant à côté, la ville s’est alliée à nous et a mis à disposition le Tarmac, une sorte de Zénith, où pour la première fois il y aura de la musique classique. Et nous, on fait cela à
la salle Pleyel.
Y aura-t-il des têtes d’affiche ?
Arnaud Marion. Il y aura une dizaine de grands pianistes.
Mais nous avons voulu aussi prendre trente pianistes de la génération 25-40 ans, des gens au talent incontestable. Nous avons fait des auditions à travers tous les grands conservatoires à
rayonnement régional, où nous ont été recommandés par les professeurs des élèves qui sortent du lot. On en a sélectionné vingt, de huit à vingt ans à travers toute la France. Nous allons ainsi
avoir des gamins, mais aussi Anne Queffélec, Abdel Rahman el Bacha, Yves Henry, Marc Laforêt et beaucoup d’autres… En tout soixante pianistes qui vont jouer tout le week-end entre Paris et la
province. Un truc de folie !
Et tous les concerts sont gratuits…
Arnaud Marion. Comme c’est un anniversaire, on a voulu
offrir ça aux gens. C’est émouvant de voir aussi bien les amateurs qui connaissent toutes les œuvres de Chopin, que tous ceux qui ne vont jamais au concert. Soit parce qu’ils n’en ont pas les
moyens, soit parce qu’ils n’osent pas y aller. Un public très large avec une vraie mixité, un public diversifié. C’est ce contraste que je trouve intéressant. Surtout pas d’élitisme. On ne veut
pas créer de ghettos, de barrières ce qui permet de démystifier la musique classique.
Que diriez-vous de la musique de Chopin ?
Arnaud Marion. Pour moi, Frédéric Chopin, c’est une musique
universelle. Un langage dans le domaine du piano. En Chine, au Japon, aux États-Unis, en Europe centrale, on apprend le piano avec ses compositions. C’est un musicien qui représente la vie
romantique, mais aussi l’impétuosité, toute cette sinusoïde qui peut exister dans l’existence. Il y a de l’universalité chez Chopin, une intemporalité qui fait que l’on continuera toujours à
jouer ses œuvres. Il demeure extrêmement populaire.
Entretien réalisé par Victor Hache
Expos : Frédéric Chopin,
la note bleue ? du 2 mars au 11 juillet
au Musée de la Vie Romantique
Paris 9e..
Chopin à Paris, dans l’atelier
du compositeur, du 9 mars au 6 juin. Cité de la musique. Paris
19e.