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12 janvier 2010 2 12 /01 /janvier /2010 20:33

     

D'abord il y a la musique du livre. Ces mots répétés de façon lancinante, ces interpellations conquérantes ou implorantes, ce phrasé alternant une langue drue et de sèches reparties, ce rythme incantatoire. Singulière impression d'entendre la prose de Mathieu Belezi tout autant qu'on la lit. Et puis il y a la terre d'Algérie. Objet de toutes les convoitises, de toutes les pulsions. Jusqu'à la folie.

C'était notre terre,ou l'histoire des Saint-André, une orgueilleuse famille de colons qui règne depuis des décennies sur le domaine de Montaigne, 653 hectares d'oliviers, de vignes et d'orangers. Un roman polyphonique où six personnages - le père, la mère, les trois enfants (dont un a embrassé la cause du FLN) et la domestique kabyle - se racontent et nous racontent la fin de l'Algérie française.

Mathieu Belezi a mis dix ans à s'attaquer à ce sujet. Il a bien fait d'attendre. Sous sa plume, l'histoire de la décolonisation s'écrit avec passion, sans fard et avec une rare crudité. Il ne juge pas, n'excuse rien, n'épargne personne. Il sait que la grande Histoire est une chienne et que ses personnages finiront broyés par elle. Au fond, son roman est l'exact contrepoint du film de Yamina Benguigui, Mémoires d'immigrés(1997), très beau documentaire dans lequel la réalisatrice raconte, à travers le témoignage d'Algériens installés en France, l'histoire d'un enracinement douloureux. Mathieu Belezi nous parle, lui, d'un déracinement insurmontable. Mais quand la première faisait de son film une oeuvre de réconciliation, le second n'accorde aucune paix à ses personnages. C'était notre terre : dans cet imparfait, il y a trop d'amertume pour ne pas alimenter une rancoeur destructrice.
 

Olivier Milot

Telerama n° 3062 - 20 septembre 2008
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  Quelques notes concernant cet ouvrage. (Martine Valla)
 

C’est Ernest qui parle, le père dans la famille des colons.

« Un colon ça construit des ponts et des rivières, des voies de chemin de fer, des hôpitaux, des usines hydroélectriques, et puis ça permet à des fils de pute dans ton genre de travailler dans des bordels, c’est grâce à nous et à notre argent que Bouzina te donne une paye et en même temps se remplit les poches et rachète toutes les terres qui sont à vendre ».

 

« C’est grâce à nous si le blé mûrit, et  si les oranges sont si grosses si le vin coule à flots dans les verres d’Algérie, est ce que ta petite tête d’égorgeurs de chrétiens peut comprendre ça ? » (Ernest s’adressait à Bouzina un algérien).Mostefa lui demande pardon, pour Ernest il est hors de question qu’un colon pardonne un Algérien.

Ernest brutalise Mostefa et fait mine de vouloir le tuer. De temps en temps il lui semble entendre la voie de sa mère décédée lui disant « mon pauvre fils » ou « mon pauvre fils tu le faits bien de la peine », ces paroles le rendent fou, et à ces moments là il va toujours plus loin dans la violence, que ce soit à l’égard des Algériens, des femmes, de son épouse et des ses enfants en restant indifférent à toutes leurs demandes (surtout à celles de son fils). 

Toutes les formes de soumission sont décrites, avec les Algériens, les prostituées,

 

Il ne fera jamais de son fils Antoine un colon.

« Ma cervelle de gosse me disais que je pouvais bafouer sans remords les règles austères de ma famille, tout comme celles de l’école parce qu’on ne ferait jamais de moi un colon, j’en étais sûre, j’avais des cartes du monde aux murs de ma chambre, et déjà je voulais fuir, oublier que j’étais né à Montaigne, oublier que je m’appelais Antoine Jacquemin fils de…

 

Madame Jacquemain (la mère) elle n’avait pas voulu marquer le prénom et le nom sur le marbre de la tombe de son fils, elle avait peur que des Algériens viennent la détruire :

« et malgré ça ils l’ont retrouvé, une nuit que je dormais à poings fermés en rêvant à je ne sais quelle Algérie débarrassée de sa racaille… »  Madame Jacquemain emploie la même expression que Nicolas Sarkosy ou c’est plutôt l’inverse « racaille » s’emploieraient pour désigner des personnes pour qui l’on n’a aucun estime les Algérien / les colons par exemple, il devait se passer un peu les mêmes choses dans les relations Esclaves / esclavagistes.

Certains enfants de colons rejoignent la cause et les revendications des Algériens comme Antoine le file de la famille.

 

Fatima qui est la femme de ménage de la famille, elle s’occupe des enfants et de Madame : « il ne fallait pas que je me plaigne, j’étais nourrie et logée, je bénéficiais aussi de la protection de Monsieur Ernest Jacquemain qui s’est intéressait à moi dès le premier jour …Droit de cuissage « tu as le droit de refuser et de t’en retourner dans ton gourbi, je ne force personne, il ne forçai personne mais il savait que ne n’avais pas le choix, et pour me venger je l’ai regardé avec ces yeux de putain qui me servaient à accueillir les clients ».

« Madame est morte, je la remplace et fleuris le caveau d’un homme qui a été une mon fils ».   

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12 janvier 2010 2 12 /01 /janvier /2010 20:22

                                              



En mai 2001, la France adoptait une loi reconnaissant la traite et l’esclavage des Noirs comme crime contre l’humanité. Et en septembre de la même année, dans la Déclaration de Durban, l’ensemble des pays de l’ONU reprenait cette condamnation. Dans les deux cas, les débats qui ont conduit à l’adoption de ces textes ont révélé une sorte de souffrance rétroactive, qui taraude encore. Comment expliquer, en effet, que des sociétés brillantes et humanistes aient pu si longtemps tolérer l’esclavage ? Cette interrogation est à l’origine du présent essai, qui explore les liens entre l’histoire de l’esclavage dans le monde moderne et la difficile reconnaissance des droits de l’homme depuis le XVIe siècle. Mobilisant une vaste documentation historique, Yves Benot analyse la spécificité de la traite et de la mise en esclavage des Noirs par les puissances européennes dans les Amériques et l’océan Indien. Pour ce faire, il s’intéresse d’abord à l’esclavagisme des Grecs et des Romains, puis à ses successeurs, avant d’évoquer en détail la traite des Noirs. Pour chacune de ces deux grandes périodes, il évoque la place de l’institution dans la vie économique des sociétés esclavagistes, les théorisations et débats, enfin l’intervention des esclaves et leurs insurrections. Celle, victorieuse, des esclaves de Saint-Domingue, inaugura le long siècle des abolitions. Mais le capitalisme moderne a toujours eu recours à des ersatz d’esclavage, combinés lors de l’expansion coloniale à l’usage de la torture, qui marque encore tant de pays. C’est dire que cette réflexion philosophique et historique sur le rapport entre la condamnation de l’esclavage et le progrès moral de l’humanité est d’une profonde actualité

Quelques petites notes à propos de cet ouvrage
                                                               

Terme Grec ta sômata (le corps) les esclaves ne sont que des corps l’âme étant pour les maîtres. Les esclaves ne sont pas considérés comme des êtres pensant mais étant foncièrement mauvais.


La réduction en esclave a eu historiquement un lien direct avec la sexualité (la femme réduite en esclavage).

Pour les esclavagistes les Noirs étaient paresseux, sans l’esclavage ils ne feraient rien, ils ne sont pas tout à fait des hommes, ils sont une sous espèce intermédiaire entre l’oran-outant et l’homme.


Certains pensent que c’est en devenant libres que les esclaves deviendront réellement des hommes et meilleurs.

Dans le courant des siècles nous pouvons observer une certaine banalisation du mot « esclave » dans de nombreuses expressions comme le chauffeur est esclave de sa voiture, ou telle personne est esclave de son ordinateur,  de son portable… 

 

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11 janvier 2010 1 11 /01 /janvier /2010 21:45

   

(JPEG)

 

Le dieu de Moïse, de Jésus et de Mahomet a pris un gros risque en offrant la dignité de la race noire à ses races élues, la sémite et l’indo-européenne, inaugurant ainsi, par sa désinvolture, le racisme anti-noir.

Le risque du Dieu Ternaire est d’autant plus grand qu’il affirme l’existence des trois races, seulement à partir de la malédiction proférée par l’ivrogne Noé à l’encontre de son second fils, Cham, Ancêtre biblique du Peuple noir.

Confrontée aux réalités historiques de l’époque et aux résultats des recherches scientifiques, la connaissance du Dieu Ternaire, parfaitement nulle de l’histoire des hommes, apparaît dans toute sa démesure.

Il a beau être Dieu, il ignore que la race noire qu’il exècre si fort, a, non seulement, existé avant le déluge, mais a, également, dominé le monde et ouvert les yeux de ses protégés sur les beautés de la Civilisation. Sans la race noire, lui-même n’aurait probablement jamais été découvert par ses adorateurs, initialement sacrificateurs d’enfants à des divinités sanguinaires, buveuses de sang juvénile, comme Moloch et Baal.

Quelques petites critiques sur ce livre (par Martine Valla)

A mon sens dans la bible il n’y a rien qui justifie l’esclavage ou qui rattache d’une quelconque manière Cham aux noirs. D’ailleurs la Bible dit très clairement ce qu’il convient de faire à l’esclavagiste : "Celui qui dérobera un homme, et qui l’aura vendu ou retenu entre ses mains, sera puni de mort." Exode 21.16 chacun peut le lire. 

Le fait que Cham serait  considéré comme l’ancêtre du peuple noir ne semble pas provenir de la bible d’après mes recherches mais ce serait une invention du X° siècle, dans l’objectif de justifier justement l’esclavage des chrétiens nubiens et éthiopiens.

Cet ouvrage fait référence à Noé et ses trois fils :

“Noé commença à cultiver la terre, et planta de la vigne.

Il but du vin, s'enivra, et se découvrit au milieu de sa tente.

Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père, et il le rapporta dehors à ses deux frères. Alors Sem et Japhet prirent le manteau, le mirent sur leurs épaules, marchèrent à reculons, et couvrirent la nudité de leur père; comme leur visage était détourné, ils ne virent point la nudité de leur père.

Lorsque Noé se réveilla de son vin, il apprit ce que lui avait fait son fils cadet.

Et il dit: Maudit soit Canaan! Qu'il soit l'esclave des esclaves de ses frères!

Il dit encore: Béni soit l'Éternel, Dieu de Sem, et que Canaan soit leur esclave!

Que Dieu étende les possessions de Japhet, qu'il habite dans les tentes de Sem, et que Canaan soit leur esclave! ”

D’après la traduction de l’hébreu Noé maudit son fils le petit, il peut s’agir de son fils cadet comme dans la traduction Louis Second ou de son petit fils dont le père serait le fils cadet de Noé. Si nous fouillons un peu ce texte et avons quelques références en psychanalyse il est vraisemblable que la malédiction que lance Noé vise l’inceste et l’idolâtrie. En fait Noé vise une filiation perverse, et plus tard nous verrons que la terre de Canaan sera peuplée d’idolâtres, de personnes prises dans l’adoration d’elles mêmes via l’idole qu’elles se fabriquent. Nul par il est dit qu’il s’agissait de Noirs.

 

Pour ce qu’il s’agit de la Tour de Babel tout le monde parlait la même langue, c’était donc un lieu totalement fermé ne se préoccupant pas de l’être en devenir, les hommes n’ont plus d’Autre à rencontrer, ils sont devenus leur propre miroir, d’où l’éclatement de cette tour et l’apparition d’une multitude de langues. Babel ne symbolise pas l’orgueil mais une non relation à la parole puisqu’il n’y a qu’une langue totalitaire. La diversité des langues a produit le manque d’unité. La question principale est la présence Autre dans l’Un, et l’action de l’Un dans le multiple, c’est l’altérité.

 

La seule personne dont nous connaissions la couleur de peau dans la Bible est la Sulamite du cantique des cantiques qui est noire justement, la description physique apparaissant alors ici logique car la Sulamite est considéré comme la "plus belle des femmes" (Cantique des cantiques  1-8). Encore une fois je ne pense pas me tromper en disant cela

C’est d’ailleurs un leitmotiv de toute la Bible de ne jamais donner la couleur de peau de ses personnages car cela n’absolument aucune importance, ainsi la Bible nous enseigne que Moïse épousa une africaine de Nubie l’aurait t’il fait si celle-ci était maudite selon les élucubrations de certains. De même le premier chrétien étranger à la Judée-Samarie était un éthiopien, ce qui peut paraître curieux pour un livre défini comme étant raciste.

 Les égyptiens n’étaient pas noirs mais blancs, il suffit de regarder les nez de leurs statues pour le voir, il faudra également comprendre qu’Akhénaton était une idolâtre de plus dans le sens ou loin d’adorer le créateur il ne cessait d’adorer la création à travers son dieu-soleil unique Athon. Il aimait par ailleurs lui et sa femme s’offrir à l’adoration des ses sujets.

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9 janvier 2010 6 09 /01 /janvier /2010 15:41

 

Pratiques chrétiennes sociales dans la région du Mazet-Saint-Voy (1920-1940)

 






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Présentation

  Ce livre (200 pages 15 cm x 23 cm. 25 €) fut édité en 2005 aux Editions Olivétan, 20 rue Calliet, BP 4464 69241 Lyon Cedex 04. olivetan@wanadoo.fr Tél. 04 72 00 08 54.

  
En vente dans toutes les librairies, mais peut être commandé directement chez l'auteur par courriél à
c.maillebouis@wanadoo.fr ou par téléphone au 04 71 65 04 69. (Livraison gratuite pour les habitants du Plateau, sinon ajoutez 3 € de frais de port).

 
 Notez que le prix de vente de 25 € se divise de la manière suivante : 10 € pour l'éditeur, 8 € pour le libraire, 4 € pour l'imprimeur, 2 € pour le fisc et 1 € pour l'auteur. Une commande directe auprès de ce dernier est un soutien financier accru pour lui.

 

Avec le soutien du :

Centre national du Livre

 

Fondation pour la Mémoire de la Shoah

 

Direction régionale des Affaires culturelles d'Auvergne

 

Conseil général de Haute-Loire

 

SIVOM Vivarais-Lignon

 

Introduction générale

"Le livre de C. Maillebouis (...) apporte beaucoup à l'histoire du protestantisme français au XXe siècle. (...) Il me paraît appelé à devenir un ouvrage de référence dont on peut souhaiter qu'il soit imité pour d'autres régions ou d'autres époques de ce protestantisme."
Extrait de la préface de Patrick Cabanel, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Toulouse-Le Mirail, membre de l'Institut Universitaire de France.

Dans l’entre deux guerres, deux types de message traversaient les paroisses de la Montagne protestante, autour du Mazet- Saint-Voy (Haute-Loire).
  L’un que nous qualifierons d’ «évangélique» du fait de sa filiation directe avec le mouvement des Réveils du XIXe siècle. Des pasteurs comme, par exemple, J. Perret et son père P. Perret, ou M. Jeannet, représentèrent cette mouvance dans les Eglises réformées du Plateau. Cette position les amena à une prise en considération des conditions de vie de leurs fidèles, sur certains aspects sociaux (l’alcool, la maladie, la jeunesse, la vieillesse, etc.) suivant leur sensibilité ou la réalité de leur paroisse. Mais cet engagement pastoral ne franchissait guère le seuil de la revendication politique ouverte et restait essentiellement ancré dans le quotidien paysan.
  Le second discours était plus militant, engagé politiquement, et ses conséquences débordaient fréquem- ment le cadre local. Nous l’intitulerons «libéral» au sens employé dans les milieux réformés de l’époque, car il était intégré au vaste débat porté par le mouvement du Christianisme social. Et comme souvent dans ce milieu, avec une frontière fluctuante, pour chacun, entre la part du religieux et celle du politique, toujours difficile à cerner à plus de soixante-dix ans de distance...

Au début du siècle dernier, des personnalités nationalement connues du Christianisme social se retrouvent au Mazet-Saint-Voy (L. Comte, E. Gounelle, Ch. Gide). Là, ils rencontrent un écho attentif au sein des diverses communautés protestantes. Cette convergence entre discours théoriques et solidarité campagnarde tradition- nelle, voire communautariste, connaît un réel succès.
   Entre les deux guerres, une seconde génération de chrétiens sociaux, remarquables par leur charisme (les familles Guillon, de Félice, Trocmé, Theis) sont attirés par ces paroisses socialement si engagées.

  Pendant le second conflit mondial, la réputation du Plateau est déjà connue et attire d'autres intellectuels (A. Camus, P. Ricoeur, A. Philip) et de nombreux bannis de la société.

C. Maillebouis

 

Le 8 juillet 2004, le président de la République, J. Chirac, se déplace au Chambon-sur-Lignon et y tient un discours dans la cour de l’école, en face du temple, laïcité oblige. Le village est anormalement animé, les uniformes de tous grades et les officiels sont là. Au détour d’un regard, on discerne quelques visages célèbres dont celui de S. Veil venue en tant que présidente de la “Fondation pour la Mémoire de la Shoah”. Cette journée a été longuement commentée dans la presse nationale offrant à la Montagne protestante une forte reconnaissance.
  O
utre le cérémonial qui convient à ce type de réception, cette agitation médiatique a marqué les esprits localement, mais aussi bien au-delà du Lignon. Dans un contexte particulier où des actes “antisémites” faisaient l’actualité nationale, ce discours dans un tel village s’auréolait d’une sacralité de circonstance. Aujourd’hui, il est encore évoqué sous le titre grammaticalement erroné de : “discours de (sic) Chambon” montrant finalement combien Le Chambon-sur-Lignon est mal connu dans les salles de rédaction parisienne.
   
S
i ce moment solennel a eu le mérite de focaliser l’actualité nationale sur l’histoire de cette région pendant la Deuxième guerre mondiale et sa participation à la protection de certains fugitifs, il demeure que cette approche fut superficielle. Les articles publiés à l’époque montrent à l’évidence une conformité rédactionnelle sans grandes investigations. La litanie des faits se concentre toujours sur les quelques noms propres les plus connus et de légendaires explications camisardes… Pourquoi pas ? L’actuelle société, surfant au gré des vents médiatiques, impose ce type de compte-rendu consensuel. Espérons que les thèmes abordés dans ce livre ouvriront de nouveaux espaces féconds.
 
 
C
e déplacement présidentiel mettait en quelque sorte un point final, pour l’instant du moins, aux
Journées Mémoires du Plateau” du 11 au 13 juin 2004, co-organisées par la mairie du Chambon-sur-Lignon et la fondation américaine “Chambon”. Temps forts qui permirent d’écouter les témoignages toujours émouvants des anciens réfugiés juifs. Déjà, les 5 et 6 juillet 2002, un colloque d’audience nationale, intitulé : “La Deuxième Guerre mondiale, des terres de refuge aux musées”, co-organisées par la “Société d’Histoire de la Montagne” et le SIVOM Vivarais-Lignon, avait poursuivi la réflexion ouverte originellement par un tout premier colloque intitulé “Le plateau Vivarais-Lignon. Accueil et Résistance 1939-1944 tenu du 12 au 14 octobre 1990. Cette accélération des manifestations qui mobilisent toujours plusieurs centaines de participants est pour le moins significative.
  
A différents niveaux, toutes ont leur intérêt et s’affermissent mutuellement. De la confrontation des différentes populations, locales plutôt protestantes et internationales plutôt juives, à la cristallisation d’une mémoire collective méritoire, les avantages sont multiples. Ne serait-ce que pour bâtir une politique plus humaniste, fraternelle et solidaire que chacun espère à juste titre ? Ne serait-ce qu’en renforçant le développement local autour d’une assise culturelle peu commune ? Ne serait-ce enfin, même si cela est plus prosaïque, en animant notre quotidien paysan d’ici par des conversations plus stimulantes que les aléas climatiques ? Et que l’on ne doute pas de l’importance sociale de ce dernier point. Pour y être immergé en tant qu’observateur patenté, je puis affirmer que les émotions qui naissent au détour de ces multiples initiatives, face aux thèses tenues par les orateurs invités ou aux commentaires de leurs auditeurs, des retrouvailles d’amis après tant d’années, etc., que ces émois façonnent profondément les horizons spirituels.
  
T
out comme, par exemple, le congrès national du Christianisme social a pu marquer durablement les esprits des montagnards en 1933. Les distractions étaient rares et un tel événement engendra sûrement de nombreuses conversations structurantes pour cette société. Et que dire des autres manifestations paroissiales où le syncrétisme et le nombre des participants pouvaient conforter les messages chrétiens-sociaux délivrés. Surtout si ces discours étaient portés par des personnes respectées pour leur fonction “pastorale” (pasteurs, prédicateurs, anciens, etc.) encore dominante dans cette société rurale d’avant-guerre.
  
La situation géographique de ce territoire de confins, en moyenne montagne, sans grand enjeu économique ou politique, et la reconnaissance du culte réformé portée par la Révolution française ont profondément modifié les rapports sociaux de cette
zone protestante et ont fait émerger un phénomène social assez original. Le besoin fondateur de protection de toute société diminua ici, au point où les conditions géo-climatique du pays, avec son habitat extrêmement dispersé et isolé, à l’accès difficile, suffirent à les assumer naturellement. Par ailleurs, dans ces écarts, la lecture de la Bible et des brochures religieuses donna naissance à une caste savante qui gonfla paradoxalement sous l’influence répétée des thèses revivalistes protestantes, tout en se rapprochant socialement de la classe productive paysanne.
  
Dans ce schéma anthropologique particulier, la transmission des prescriptions s’orchestrait de deux manières qui se sont consolidées en totale synergie. La première suit un schéma hiérarchique classique, celui d’une autorité morale respectée, souvent le pasteur en place ou ses invités prestigieux, vers son auditoire. La seconde joue sur un mode plus participatif, d’essence darbyste. Les échanges se font d’égal à égal au détour des réunions cultuelles, familiales ou de voisinage voire sur les places de marché. Cette dernière approche n’est pas à négliger dans une région où ces communautés fraternelles sont numériquement si importantes et façonnent encore la société moderne. Le pasteur A. Trocmé mentionnait d’ailleurs dans ses souvenirs que “les premiers paysans qui acceptèrent d’accueillir des juifs furent... des Darbystes qui n’appartenaient pas à notre association culturelle, et que leur doctrine écarte de tout engagement politique. Nos conseillers les suivirent, d’abord en hésitant, puis graduellement convaincus.”
(A. Trocmé, Souvenirs, Swarthmore, USA, tapuscrit p. 349)

 
 
I
ci, peu importe l’exactitude même de ces propos. Nous ne les évoquons que pour ouvrir un contre-feu de réflexion “médiologique”. Comment une pensée se propage-t-elle dans une société rurale, éclatée en de nombreuses communautés chrétiennes, et avec quelles techniques de communication ? La
médiologie initiée par Régis Debray analyse ces mystères et paradoxes de la transmission culturelle, rôle essentiel à la compréhension d’une société. Déjà, les modes d’établissement des différents Réveils évangéliques dans ce pays, principalement au xixe siècle, sont un champ immense à peine effleuré. Espérons que l’ancrage au siècle suivant de certaines positions chrétiennes sociales sur la Montagne protestante trouvera son approfondissement. Comment donc, des idées a-normales pour l’époque (pacifisme, coopératisme, internationalisme, “solidarisme”, etc.) arrivent ici, puis mûrissent au point que des réalisations concrètes en découlent, perdurent encore, et deviennent des références présidentielles ?
 
 C
ertains marxistes n’y verront qu’une dimension marchande, certes réelle comme dans toutes les relations humaines, mais sûrement pas unique. à l’opposé, les croyants accorderont une place primordiale à la qualité spirituelle de cette population montagnarde. Pour ma part, je me contente de relever la situation environnementale de ce pays et ses influences naturelles sur les comportements de ses habitants et leur univers conceptuel. Ainsi, entre autres, un pays qui est relié par un service de cars, puis par un chemin de fer, à Saint-Étienne, développe naturellement avec cette ville une économie et des liens particuliers. à une époque médiatiquement plus pauvre, ces moyens réguliers de transports déplaçaient hommes et marchandises mais aussi, par eux, les rares pensées exogènes et vivantes, rapidement assimilables pour peu que certaines autorités spirituelles les aient repris à leur compte. Alors saisit-on mieux la diffusion des pensées d’un L. Comte, puis de É. Gounelle, et de leurs amis chrétiens-sociaux qui se focalisent à Saint-Étienne, sur une autre région proche socialement, culturellement mais aussi en terme d’accès…
  A voir l’effervescence intellectuelle locale que suscite actuellement le moindre colloque au Chambon-sur-Lignon, on imagine ce qu’il en était avant 1940 où cette société paysanne était recluse, moins sollicitée par des messages parasitaires et donc à l’écoute de ses propres sentiments. Ne doutons pas qu’une certaine cohésion identitaire liée au terroir se nourrissait de tous ces soubresauts existentiels sous l’autorité pastorale ou au détour de quelques veillées… Sous l’écume des commémorations récentes, il existe probablement d’autres vérités socio-historiques plus satisfaisantes mais qui ne se révèleront que si elles sont recherchées sérieusement.

C. Maillebouis 2004

Je conseille ce livre à tous, c'est une véritable leçon d'histoire, de mémoire et ....de courage pouvant servir de repère chacun peut se positionner....!!!

 

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7 janvier 2010 4 07 /01 /janvier /2010 15:10
  

Résumé de "Le Sacrifice Interdit"

"Depuis longtemps, Marie Balmary lit l'oeuvre de Freud et la Bible en même temps. Indifférente aux diverses traditions intellectuelles qui ont décrété l'hétérogénéité radicale de ces deux univers, elle s'efforce d'explorer les profondes analogies des récits fondateurs qui renvoient à l'expérience de l'inconscient et à celle de la Révélation. Certes, Freud s'était passé de Dieu pour dire l'homme, et la religion, souvent, se plaît à faire l'économie de l'humain pour révéler Dieu. Mais ne fallait-il pas tenter l'aventure d'une réflexion double et susceptible de saisir ce qui - dans le Testament dévoilé par Freud, l'inconscient, comme dans les Ecritures peut parler d'une même voix - Tel est l'objet de ce livre... Un y trouvera donc Adam et Eve, l'épisode de Babel, l'histoire d'Abraham dans ses étapes les plus décisives, de son départ à la guérison de Sarah et l'élévation d'Isaac... et, en résonance, des passages évangéliques; tous écoutés à partir de leur langue, comme un psychanalyste écoute un rêve. Il ne s'agit pas ici de traduire Freud dans le langage de ce qu'il tenait lui-même pour une illusion". Il a semblé plus urgent de bâtir une exégèse ouverte et multiple, ce dont cet essai s'acquitte avec rigueur et pertinence."


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