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13 mai 2012 7 13 /05 /mai /2012 21:14

Par Laurent Burlet | Rue89Lyon  |   10 mai 2012 18:12 | Comments (4)

 

L’esprit de Malcolm X comme ceux de Frantz Fanon et de Steve Biko ne sont pas morts. Les enfants de ces illustres leaders noirs ont pu le mesurer lors d’une tournée d’un jour dans la banlieue lyonnaise. Dans leurs traces, un nouveau mouvement politique issu des quartiers populaires pourrait être lancé. 

 

Visite de la fille de Malcom X à Lyon

A Vaulx-en-Velin, le 9 mai, la fille de Malcolm X entouré, à gauche, du fils de Steve Biko et à droite, de la fille de Frantz Fanon

 

Le symbole se voulait fort : mettre au cœur de la banlieue lyonnaise la fille de Malcolm X (Malaak Shabaaz), le défenseur des droits afro-américains ; la fille de Frantz Fanon (Mireille Mendès-France), le penseur des luttes anticoloniales, et le fils de Steve Biko (Nkosinathi Biko), l’un des principaux artisans de la résistance contre l’apartheid en Afrique du Sud.

 

Cette semaine, ces trois héritiers des luttes anti-coloniales et des combats pour les droits civiques ont mené des conférences en France, à Paris, Lille et ce vendredi à Marseille. A la rencontre des associations de quartier. Avec pour objectif : montrer la filiation entre les combats des noirs et des colonisés d’hier et les mobilisations d’aujourd’hui contre le racisme.

 

 

A Lyon, mercredi, cette tournée française a pris la forme d’un pèlerinage, au pas de course, dans les quartiers emblématiques de la banlieue lyonnaise.
« Nous marchons dans les pas de nos aînés », expliquait Pierre-Didier Tchétché-Apéa, un militant associatif présenté comme le porte-parole des habitants de Vaulx-en-Velin au moment des émeutes de 1990, à l’origine, avec d’autres associations*, de cette tournée des quartiers lyonnais.

 

 

 

 

Malcolm X : « une pointure » ; Biko et Fanon : « connais pas »

 

 

La petite délégation d’une quinzaine de personnes a donc d’abord fait un saut au Mas du Taureau, à Vaulx-en-Velin, premier quartier à s’embraser, en 1990, à la suite de la mort de Thomas Claudio renversé par une voiture de police.

 

Dans le sillage de la délégation, les habitants du quartier, habitués aux visiteurs de marque (le dernier en date était François Hollande), se demandaient bien qui étaient ces nouveaux venus.

 

 

Un habitant nous a expliqué qu’ici, « tout le monde connaît Malcolm X ». Surtout les trentenaires, grâce au film éponyme de Spike Lee.

 

 

Morad Aggoun a pris rapidement la parole pour parler du quartier. Lui qui avait 18 ans lors des émeutes de 1990 est aujourd’hui élu au conseil municipal (divers gauche) de Vaulx-en-Velin. Et il a ainsi évoqué les « combats des habitants » et la « lutte contre la double peine » :

 

 

« Dans les quartiers, on se bat pour être des citoyens à part entière. Pour nous, Malcolm X ou Nelson Mandela sont des vrais symboles de ceux qui se sont levés pour avoir des droits. Ce sont nos références. La culture de toutes les révoltes. »

 

 

Une demi-heure de voiture plus tard, au pied des tours des Minguettes, à Vénissieux, a pu avoir lieu une non-moins rapide rencontre avec des habitants dans une épicerie sociale. Parmi eux, Patrick. Il était l’un des instigateurs, en 1983, de la Marche pour l’égalité, plus connue sous le nom de la marche des Beurs », imaginée à la suite de la multiplication des bavures policières aux Minguettes. La marche s’était davantage inspirée de Gandhi ou Martin Luther King. Mais « Malcolm X reste une référence », estime-t-il.

 

 

 

 

Hommage aux « luttes de nos parents »

 

 

Toujours aussi prestement, le pèlerinage a pris la direction d’une autre ville de banlieue, Saint-Fons. La particularité de cette commune : avoir érigé il y a un an et demi, un monument (voir photo) à la mémoire des victimes « des luttes de libération des peuples ». Une plaque également rend hommage aux victimes du 17 octobre 1961, jour d’une manifestation à Paris contre le couvre-feu imposé aux « Français musulmans » d’Algérie.

 

Après une nouvelle séance photo et une minute de silence, les stars invitées on démarré leur conférence. Devant environ 200 personnes, ces « filles de et fils de » ont rappelé les luttes de leur père et la nécessité de continuer le combat contre le racisme. Un racisme « libéré en France », pour la fille de Frantz Fanon, « institutionnalisé aux Etats-Unis », selon la progéniture de Malcolm X ou « présent en Afrique du Sud malgré la constitution et l’identité arc-en-ciel de la nation », pour le fils de Steve Biko.

 

 

Les « filles de et fils de » veulent diffuser aujourd’hui un « message universaliste » et ne souhaiteraient donc pas lancer un appel à la constitution d’une force regroupant seulement les populations des anciennes colonies.

 

Les militants associatifs, à l’origine de leur venue à Lyon, partagent la même position. Pierre-Didier Tchétché-Apéa plaide pour la constitution d’un mouvement politique des quartiers populaires, fondé sur une communauté de vie, celle des quartiers populaires et non sur une appartenance ethnique :

 

« Marcher dans les pas de ces trois aînés, c’est être fiers de nos origines et de nos luttes passées. Il s’agit de constituer une force autonome, en dehors des partis politiques. Mais sur une base spatiale. »

 

 

 

 

« Pas que des noirs et des arabes »

 

 

Comme pour le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis ou les mouvements féministes, les habitants des quartiers doivent s’« auto-organiser et s’unir à la base » :

 

« Le but est d’organiser l’expression des quartiers populaires pour enfin sortir d’une lutte fragmentée où les musulmans, les noirs ou les arabes s’organisent entre eux ».

 

 

Un projet de « force politique » serait même en gestation, regroupant des militants du Forum Social des Quartiers Populaires, des Motivé-e-s (à Toulouse) et du Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB, à Paris).

 

Ils marquent bien leur différence avec un autre groupe politique, les Indigènes de la République, qui, comme eux, revendiquent la filiation avec Fanon, Biko ou Malcolm X. Boualam Azahoum, l’un des organisateurs de la tournée lyonnaise, explique :

 

« Nous ne sommes pas comme les Indigènes de la République. Dans ce mouvement que nous voudrions lancer, il n’y aura pas que des noirs ou des arabes. Ce sera le rassemblement de tous ceux qui vivent dans les quartiers. Ce seront ceux qui votent aujourd’hui ou qui voteront demain après l’adoption de la loi sur le droit de vote des étrangers ».

 

Marquées à gauche, ces personnalités des quartiers lyonnais expliquent ne plus croire aux partis politiques classiques. Pierre-Didier Tchétché-Apéa de Vaulx-en-Velin :

 

« Aucun parti politique ne met à l’agenda les quartiers populaires et ne traite de manière prioritaire des questions de discrimination. Pour nous, c’est dans ces quartiers que se cristallisent de nombreuses questions : l’emploi, l’éducation, le logement ou le rapport à la police ».

 

 

*FORSEM, DiverCité, El Ghorba et Couleurs Café Crème

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 17:31
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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 22:03

 

Fondation Gabriel Péri

 

Rencontre avec Hugues Lethierry, docteur en sciences de l’éducation, professeur à l’IUFM de Lyon.

Son dernier livre Penser avec Jankelevitch - Une âme résistante ne vise ni l’exhaustivité, ni l’érudition, mais à fournir quelques clés dans la lecture de Vladimir Jankélévitch (1903-1985), philosophe de l’action, amateur d’humour, engagé, exigeant en matière de pensée et d’implication dans la vie.
En dehors de tout "prêchi-prêcha" consensuel, ou ridicules rodomontades, il "vend la mèche" au sens où il rend compréhensibles pour aujourd’hui les mots "à coucher dehors" d’un penseur capable de parler tant des vertus que du scandale de la mort ou du "je ne sais quoi" du charme...
De la Résistance en France à la Révolution dans le monde arabe aujourd’hui, comment comprendre ce qu’est le courage et la justice sinon par la réflexion morale ?

 

Jeudi 10 mai 2012 à 19h00
Fondation Gabriel Péri
11 rue Étienne Marcel, Pantin
métro ligne 5, station Hoche
(Plan d’accès)

Entrée libre . Le nombre de places étant limité, il est recommandé de s’inscrire par mail à l’adresse : inscription@gabrielperi.fr

 

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 21:33
Aujourd'hui, après 5 années de xénophobie d'Etat et une campagne
électorale durant laquelle, une droite - dont les composantes de droite
extrême n'ont plus rien de républicaines - ainsi que le Front National -
ont rivalisé dans l'abject. C’est ainsi qu’ont été  tour à tour désignés
« l’autre » - étranger, immigré, musulman ou supposé tel – ainsi que le
Rom, à la vindicte populaire dans des discours d’exclusion dont la haine
constitue le fil directeur.

Le MRAP se doit de rappeler qu’à cette victoire sur le IIIe Reich et le
fascisme ont contribué, à côté des alliés –Soviétiques, Américains et
Anglais pour la plupart – de nombreux immigrés venus d’Afrique noire et
du Maghreb mais aussi de l'Europe toute entière.

Les uns avaient fui l’idéologie fasciste qui avait d’abord triomphé en
Italie, puis en Allemagne et  en  Espagne ; d'autres, colonisés,
espéraient que leurs peuples bénéficieraient eux aussi de cette liberté
chèrement acquise pour sortir du statut colonial et devenir des citoyens
de leur propre patrie.

On ne demandait pas alors aux combattants étrangers de la résistance
s'ils mangeaient de la viande hallal ou s'ils avaient des papiers !
Qu'il s'agisse des Algériens, Marocains, Tunisiens, Africains, Antillais
, Malgaches, de ceux du groupe Manouchian de la Main d’Œuvre Immigrée
(MOI) désignés comme « terroristes » sur l’Affiche rouge,  ou encore de
ceux qui, dans des chars baptisés Guadalajara Ebro, Teruel, Brunete,
Madrid – mais également Don Quijote ou Durruti - ont contribué à libérer
Paris.

« Pourrions nous accepter que nos cimetières où se mêlent par milliers
les croix chrétiennes, les étoiles juives et les croissants de l'Islam,
soient ensevelies sous l'oubli et l'ingratitude ? », interrogeait le
Général De Gaulle le 23 avril 1968.

Aujourd’hui un très grand nombre d’ enfants et petits enfants de ces
combattants morts pour la France sont sans papiers, sans droits, sans
reconnaissance. Et ceux d’entre eux qui sont de nationalité française
sont trop souvent victimes du racisme, de la relégation, de la
discrimination.

Le MRAP tient également à rappeler que non seulement ces « indigènes »
ont été exclus du défilé de la victoire du 8 mai 1945 à Paris, mais que,
ce même jour, une répression terrible s’abattait en Algérie, sur la
région de Sétif, parce qu’un drapeau algérien, symbole de
l’indépendance, était brandi au cours d’un défilé célébrant la victoire.
Il y eut alors des milliers de morts.

En ce 8 mai 2012, le MRAP tient à rendre hommage à tous ces combattants
venus d'ailleurs, « à ces étrangers et nos frères pourtant », qui ont
lutté pour que la devise Liberté, Égalité, Fraternité ne soit pas un
vain mot. Et quel meilleur hommage que de continuer leur lutte pour une
société plus juste d’où le racisme aura enfin disparu, où le « vivre
ensemble » l'emportera sur toutes les peurs et les haines.

Paris, 8 Mai 2012

--
Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples
43 bd Magenta - 75010 Paris - Tél. : 01 53 38 99 99
Site web : http://www.mrap.fr
Aider le MRAP : http://secure.mrap.fr
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Pour se désinscrire :
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2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 19:01

 

 

 - le 2 Mai 2012

 

 

 

L’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau livre son regard sur l’élection présidentielle française, le climat de la campagne et ses espoirs pour la gauche.

 

L'Humanité Dimanche : Quels ont été vos réactions après le premier tour ?

Patrick Chamoiseau : Le problème des élections présidentielles c'est qu'elles focalisent les énergies sur une personnalité, alors que nous sommes en face de la nécessité d'un changement radical de ce qui nous sert d'imaginaire économique. Si le capitalisme financier n'est pas soumis à l'autorité d'une autre économie, d'un autre imaginaire, aucun Etat, aucun gouvernement, et encore moins un « homme providentiel », ne seront en mesure de modifier la donne.

La métamorphose qui nous est nécessaire, et qui est nécessaire à tous les peuples du monde, est à la fois citoyenne et systémique. Dès lors, si on garde à l'esprit cette perspective-là, cette élection se révèle autrement. Quelque chose de pas banal s'est produit : l'émergence d'une nouvelle force politique, une nouvelle conscience, celle du Front de gauche.

Le discours porté par ce courant ne se trompe pas d'ennemi, ni de radicalité. Au nom de ce que l'humain a de plus précieux, de plus poétique, on fait face au capitalisme et à ses avatars sans s'accommoder du pseudo-réalisme qu'ils nous imposent. Cette émergence va à l'encontre de tout l'imaginaire économique, médiatique, technocratique, symbolique ou pseudo-philosophique du moment. Compte tenu de l'adversité, c'est un renversement presque herculéen qui a su s'imposer à plus de 11%, et même plus si on y ajoute les scores de Nathalie Arthaud et de Philippe Poutou.

Ceux qui ont adhéré à ce mouvement-là ont en quelque sorte accédé à un autre ordre de réalité : un rideau d'illusion commence à se défaire. Cela n'a rien à voir avec les agglutinations individuelles de peurs, de souffrances, de misères morales, de paupérisations, d'inquiétudes, effets de crise et autres destructions du capitalisme, qui constituent le vote Lepéniste.

 

HD : Vous aviez donné votre préférence à Jean-Luc Mélenchon, le plus radical selon vous, et qui fonde sa radicalité sur l'humain, êtes- vous déçu de son relatif faible score ?

Patrick Chamoiseau : Compte tenu de l'adversité totale, nous sommes en face d'un succès étonnant. Je suis content.

 

HD : Il est le seul qui avait répondu à votre lettre aux progressistes de France, quelles seront les conséquences pour les Antilles ?

Patrick Chamoiseau : Jean-Luc Mélenchon est attentif à ce qui pourrait constituer une vraie alternative, mais il n'a pas encore compris qu'il faut libérer les peuples que l'on noie dans le sigle DOM-TOM. Sa Sixième République ne prévoit pas d'inscrire dans la loi fondamentale des espaces de souveraineté ou des accès à une autonomie qui concilie égalité, solidarité, partages et différences. C'est nous-mêmes qui devrons penser et mettre en œuvre cette part de combat qui nous revient contre le capitalisme, donc il faut faire sauter tous ces archaïsmes de l'esprit colonial et considérer que la République Française peut être multi-trans-culturellement « unie », et non pas absurdement « une et indivisible ». C'est encore la zone aveugle de la lucidité du Front de gauche.

 

HD : Est-ce qu’un nouveau cycle politique et social peut s'ouvrir ?

Patrick Chamoiseau : Absolument. Il faut transformer l'émergence de cette nouvelle force en une force pérenne capable d'investir tous les lieux de pouvoir, tant nationaux que mondiaux. Une force capable de changer radicalement les imaginaires. C'est très difficile, car cette force doit se constituer à partir de nos individuations, lesquelles sont aujourd'hui incontournables. Elle doit aussi relever tout autant du poétique que du Tout-monde.

 

HD : Que vous inspire le score (très haut, 18,70%) de Marine Le Pen ? Vous qui déjà vous étiez inquiété des relents racistes de certains éditorialistes français ?

Patrick Chamoiseau : L'individuation transforme chaque individu en une complexité que rien ne peut réduire à une seule facette. Nous sommes faits désormais d'une multitude d'influences, d'affinités, d'appartenances, de peurs, d'ignorances, d'angoisses, de clairvoyances. Réduire un noir à sa peau, ou un musulman à sa religion, est une absurdité. Le vote le Pen est une agglutination erratique, qui n'a rien de collectif ni de systémique, c'est d'ailleurs pourquoi les instituts de sondages ont toujours du mal à le prophétiser. Il est fait de n'importe quoi, de refus informulables, de peurs et d'ignorances, de colère sans horizon et d'un résidu de vieilles ombres, et du coup il ne signifie rien de monolithique. Croire qu'il ne s'agit que de racisme comme le fait Sarkozy, et tenter de le capter comme cela, est une absurdité. C'est Jean-Luc Mélenchon qui a raison : ne rien céder sur les valeurs humaines, les réaffirmer avec encore plus d'exigence, aller vers la beauté, nommer la beauté, et montrer comment l'essentiel de l'humain se trouve en danger dans ce genre de vote.

 

HD : Que peut-il se passer pendant ces derniers jours avant le second tour ?

Patrick Chamoiseau : Attaque des marchés financiers, certainement. Xénophobie active, hélas. Alliances innommables, peut-être… mais Hollande devrait malgré tout gagner. Il faut qu'il gagne ! Mais le plus important, c'est que la France continue à construire la nouvelle force que Jean-Luc Mélenchon a réussi à cristalliser, l'inscrire dans les consciences et les imaginaires, puis la déployer dans l'appareil politique. Concourir à la victoire de Hollande est essentiel, consolider la nouvelle force est fondamental.

 

HD : Selon vous, Nicolas Sarkozy peut-il encore passer ?

Patrick Chamoiseau : Qu'il passe ou ne passe pas, l'ennemi reste le même : le capitalisme et ses hystéries financières, le dragon des marchés. A cela s'ajoutent les barbaries inhérentes à la nature humaine. On aurait tort de penser que le départ d'un homme, j'allais dire d'un « rouage », réglerait fondamentalement les choses, cela ne ferait que soulever un peu d'air frais pour cette grande inspiration et ce nouveau souffle que nous devons produire. Nous avons besoin de cet oxygène, travaillons à le déclencher, tout en considérant ses limites.

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30 avril 2012 1 30 /04 /avril /2012 21:54
 
par Serge Halimi, avril 2012

Ce livre photo rassemble de nombreux fac-similés de documents d’archives (1). Certains sont relativement connus : le premier numéro de L’Humanité, le 18 avril 1904, à la mise en page si dense qu’on le jugerait aujourd’hui illisible ; l’ultime lettre du jeune résistant Guy Môquet à ses parents, le 22 octobre 1941. D’autres, moins : les questionnaires biographiques remplis par Georges Marchais et Henri Krasucki préalablement à leur adhésion au Parti communiste français (PCF) ; le rapport (très embarrassé) de Maurice Thorez au comité central du PCF, les 9 et 10 mai 1956, au lendemain de la dénonciation de Joseph Staline par ses successeurs soviétiques. Thorez y admet : « Je crois que la formule “attachement inconditionnel à l’URSS” n’est pas une formule des plus heureuses »

La forme du document qu’on peut tenir, ouvrir, dont on peut examiner l’écriture, apporte une vie particulière. Même si l’ouvrage fait remonter la « France rouge » à Auguste Blanqui, Eugène Pottier et Louise Michel, l’histoire du PCF depuis sa création en 1920 constitue l’objet principal de l’auteur. Laissant paraître une certaine sympathie envers ce parti, il n’en dissimule pas pour autant les pages sombres : le culte de la personnalité, le contrôle politique des artistes et des intellectuels. A ce propos, on dépliera et on lira avec amusement la lettre manuscrite d’une militante communiste, « jeune femme sans beaucoup de culture artistique », réagissant au fameux dessin de Staline réalisé en « une » des Lettres françaises par Pablo Picasso à la mort du dirigeant, en mars 1953. Le trouvant insuffisamment solennel, elle réprouve un « portrait aux traits mous qui serait plutôt celui d’un jeune paysan de chez nous »

Au-delà, ce qui traverse ces pages, c’est la vie, l’enthousiasme et la vigueur ; le peuple et la jeunesse mobilisés d’un combat à l’autre : lutte contre le colonialisme, pour le vote des femmes ; grèves de juin 1936, puis de Mai 68 ; Résistance. De nos jours, la politique semble accaparée par des professionnels et davantage pratiquée par des retraités issus des classes moyennes.

Serge Halimi

(1) Bruno Fuligni, La France rouge. Un siècle d’histoire dans les archives du PCF (1871-1989), Les Arènes, Paris, 2011, 117 pages, 34,80 euros.

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30 avril 2012 1 30 /04 /avril /2012 21:50
L’histoire ne repasse pas les plats

Alors que les oracles de l’informatique et les maîtres du capitalisme vert revendiquent le monopole des lendemains qui chantent, la gauche déserte les grands projets d’avenir. A défaut d’espérer changer le monde, elle raccroche ses espoirs à ses souvenirs, en particulier ceux des années d’après-guerre. Mais peut-on concilier progressisme et nostalgie ?

 

par Pierre Rimbert, avril 2012
 
Aperçu

« Vivement hier ! » : quoique aucun parti politique français n’ait encore adopté ce mot d’ordre, beaucoup portent sur la société d’après-guerre un regard plein de rêve et d’envie. « Si nous tirions toutes les leçons de la crise, le monde de demain pourrait davantage ressembler à celui des “trente glorieuses” qu’à celui des trente dernières années », a affirmé M. Henri Guaino, conseiller de M. Nicolas Sarkozy (Marianne, 2 juillet 2011). L’organisation sociale issue de la Libération inspire les réflexions non seulement du Front de gauche, du Parti socialiste, du Mouvement démocrate (MoDem), mais aussi — de manière plus opportuniste — de la candidate du Front national (lire « Acrobaties doctrinales au Front national »).

La « modernité » libérale exaltée dans les années 1980 et 1990, elle, séduit moins. Quinze ans et deux crises économiques mondiales après les balbutiements de l’altermondialisme, la critique des « excès » de la finance dérégulée et de l’explosion des inégalités dessine un arc de consensus entre les militants d’Occuper Wall Street et le milliardaire Warren Buffett. M. Sarkozy prétend militer pour une taxe Tobin, et la chancelière conservatrice allemande Angela Merkel « faire payer les banques » privées. Même l’hebdomadaire The Economist, porte-voix des libéraux, reconnaît les succès du capitalisme d’Etat (21 janvier 2012). Longtemps encouragée par les puissants, la destruction des régulations socio-économiques suscite une réprobation croissante.

Cette inflexion politique intervient dans un climat culturel de « rétromania » où se mêlent triomphe de la série télévisée « Mad Men » — qui met en scène les vicissitudes de publicitaires au début des années 1960 —, rééditions de voitures d’époque de type Mini Cooper et Fiat 500, culte du mobilier kitsch et fétichisation des premiers albums de Bob Dylan. Une enquête de l’hebdomadaire Marianne (16 juillet 2011) sur le thème « Qu’est-ce qui était mieux avant ? » évoquait pêle-mêle la convivialité des bistrots, la distribution des prix dans les écoles communales et la jovialité des facteurs à (...)

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3 avril 2012 2 03 /04 /avril /2012 22:20


C'est avec une grande tristesse que nous venons d'apprendre de décès de
Lise LONDON-RICOLL. Le MRAP assure sa famille et ses amis de sa profonde
sympathie.

Il tient à rendre hommage à une femme d’engagement qui n'a jamais
renoncé à l'idéal de justice, de fraternité, de démocratie et de paix
qui fut toujours le sien et celui de sa famille.

Le MRAP tient particulièrement à saluer son combat contre le fascisme,
que ce soit à travers son engagement dans les Brigades internationales
aux cotés de ses « frères espagnols » ou dans la Résistance contre le
nazisme qui lui vaudra d'être déportée au camp des femmes de
Ravensbrück, puis envoyée dans les Kommandos de Buchenwald, où elle
vécut, dans la solidarité indéfectible avec ses compagnes de souffrance,
l'horreur de la faim, du froid, des coups, des fours crématoires et des
marches forcées au moment de l'avance des troupes soviétiques et
étasuniennes.

Sa lucidité, chèrement acquise au moment des procès de Prague, lui fera
ensuite n’avoir de cesse de condamner la terreur stalinienne, sans
jamais renoncer à ses idéaux partagés avec son compagnon de résistance
et de vie, Arthur-Gérard London.

Plus récemment, elle consacra plusieurs années de sa vie à aller sans
cesse porter témoignage dans les écoles de l’horreur du nazisme et du
fascisme. Cette mission qu’elle se donna est au cœur même de la démarche
fondamentale du MRAP d’éducation contre toutes les formes de racisme.

Une grande dame vient de disparaître, sachons honorer sa mémoire dans
l’action déterminée contre le racisme et tous les vents mauvais
d’aujourd’hui.

Paris, le 3 avril 2012.

--
Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples
43 bd Magenta - 75010 Paris - Tél. : 01 53 38 99 99
Site web : http://www.mrap.fr
Aider le MRAP : http://secure.mrap.fr

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19 mars 2012 1 19 /03 /mars /2012 21:02

vendredi 16 mars 2012, par Frédéric Lordon

Mais qu’ils partent donc, ils ne nous manqueront pas. Ils sont très remplaçables, leur fortune est inutile à l’économie, et elle est un trouble à l’ordre public. Ah oui : en partant, qu’ils n’oublient pas de déposer leur passeport à la porte. Avant de la prendre.

Les faux-semblants de la gauche serpillière Retour à la table des matières

Il y a suffisamment de raisons d’être affligé de la campagne du candidat « socialiste » — qui ne trouve mot à redire au traité MES [1] institutionnalisant les principes de l’« ajustement structurel », promet de renégocier le TSCG [2] avec la franchise d’un trafiquant de voitures d’occasion, fait des moulinets contre la finance avant de se rendre à Londres jurer l’innocuité de ses intentions réelles — il y a, donc, suffisamment de raisons d’affliction pour ne pas noter le moindre tressaillement du gauchomètre, dont tous les tracés étaient restés jusqu’ici absolument plats. Sans doute l’oscilloscope n’est-il pas menacé d’exploser : le maniement de la fiscalité individuelle n’est le plus souvent qu’un instrument de correction d’effets dont on préfère ne pas attaquer les vraies causes.

Le candidat socialiste aurait-il vraiment le projet de s’en prendre aux inégalités, aux chutes dans la précarité des uns et à l’indécente explosion des fortunes des autres, il s’attaquerait à leur principe générateur même, à savoir : la libéralisation financière, l’ouverture du commerce international à toutes les concurrences distordues — bien faites pour déstabiliser les classes ouvrières des pays développés et attaquer les Etats-providences —, l’orthodoxie de politique économique qui commande de satisfaire les investisseurs d’abord et les corps sociaux s’il en reste, soit synthétiquement les structures de la mondialisation néolibérale, spécialement mises en valeur par la construction européenne — dont les prétentions de « bouclier » (« L’Europe est un bouclier contre la mondialisation ») inspirent au choix le rire ou le dégoût. C’est à cela que s’en prendrait donc un candidat de gauche, conscient que la gauche se définit plus par le projet de transformer radicalement le cadre des structures du néolibéralisme que par celui d’y passer la serpillière [3]...

Précisément, on reconnaît la gauche serpillière, la gauche pleurnicheuse, la gauche qui ne veut pas être de gauche, aux chaudes larmes qu’elle verse sur la souffrance sociale sans jamais vouloir interroger, et encore moins modifier, les structures qui ne cessent de la recréer. On la reconnaît par conséquent aussi à ses instruments : emplois-jeunes, éducation-formation — avec le double aveu implicite que l’éducation est surtout une formation professionnelle et que, si bien sûr on les y aidera, il appartient tout de même aux individus de se rendre « employables » —, fiscalité enfin, soit tout ce qu’il reste de leviers secondaires pour atténuer les effets à l’intérieur du cadre mais sans jamais y toucher.

De tous ces palliatifs, cependant, la fiscalité est le plus significatif — quand il n’est pas manié à la baisse à la façon du socialisme Jospin-Strauss Kahn-Fabius... Mais voilà que François Hollande, décidé cette fois à le pousser dans le bon sens, semble avoir empoigné le levier, et la chose est suffisamment étonnante pour être notée (sous les habituelles réserves de la jonction incertaine du geste à la parole...). Que le gauchomètre s’en ressente et donne une mesure fiable, est confirmé par le capteur complémentaire de l’éditorialomètre, machine corrélée mais réglée selon un principe de variation inverse : sans surprise Jean-Francis Pécresse (Les Echos), Dominique Seux (Les Echos, again), Alexandre Phalippou (Huffington Post tendance Anne Sinclair) prophétisent le désastre, ainsi que Yves Calvi (C dans l’air) en charge de brancher l’expertomètre sur l’éditorialomètre (corrélation positive) et qui réunit un superbe plateau [4] à trois (plus lui) contre un pour bramer et faire bramer au désastre économique, avec parmi les bêtes à cornes l’inénarrable Philippe Dessertine, Christian de Saint-Etienne et surtout Elie Cohen, jusqu’à il y a peu conseiller économique de François Hollande mais horrifié des nouvelles velléités de gauche du candidat qu’il croyait sincèrement de droite.

On doit toutefois à l’honnêteté de reconnaître que l’éditorialo-expertomètre, machine pourtant ultra-sensible en tout cas dans cette partie là du cadran (depuis vingt ans, très peu de réaction sur bonus, fortunes et inégalités, non plus sur chômage, fin de droits et seuils de pauvreté), n’a pas fait exploser le scope comme elle l’aurait fait il y a cinq ans à peine. Jean-Michel Aphatie, par exemple, a même éprouvé le besoin de démentir avoir pris parti pour les riches et n’avoir fait que de l’ironie à propos des 75% de Hollande. Il est vrai que l’époque commence à sentir fort le goudron et les plumes et pour la classe possédante et pour la valetaille médiatique qui jusqu’ici n’avait de cesse de lui servir la soupe avec force justifications économiques et admonestations à l’endroit du peuple envieux. Les temps ont changé et, jusque chez les riches, commence à se former la conscience « d’avoir un peu exagéré »... Pas suffisamment cependant pour désarmer complètement les réflexes incorporés qui font objecter instantanément à la fuite des talents et au bris de l’élan créateur de richesses — et l’on pense irrésistiblement à ce moment là au parti qu’on pourrait tirer de la trouvaille des graphistes du film Les nouveaux chiens de garde [5] où l’on voit chaque éditocrate multicarte accompagné d’un phylactère faisant la liste de ses innombrables employeurs, combinée à la proposition de Régis Jauffret [6] demandant que chaque expert prônant le sacrifice salarial à l’usage des autres soit sommé de déclarer ses propres revenus...

Les « impossibilités » du mauvais vouloir Retour à la table des matières

Entre temps, et comme toujours dans ce genre de circonstances, le syndicat des malévolents monte en chœur au créneau, mais caparaçonné d’arguments « techniques » qui disent tous « l’impossibilité », et en particulier, délicieuse menace, l’inconstitutionnalité, supposée fatale aux 75%.

À cette dernière en particulier, comme en fait au parti des « impossibilistes » en général, il faudra rappeler que les déclarations d’impossibilité sont le plus souvent l’expression de leur mauvais vouloir. À eux qui, fondamentalement, ne désirent pas changer l’ordre des choses, il est bien certain que les difficultés semblent tout de suite immenses et les impossibilités immédiatement constituées. Il faudrait redire ce que la capacité de penser doit au désir de penser, et que l’imagination ne vient qu’à ceux qui en ont vraiment envie. Pour tous les autres qui ont surtout envie de conserver, la conservation est à coup sûr la solution de bon sens, et comme elle est l’attracteur de toute leur pensée il n’y a pas lieu de s’étonner qu’ils s’y rendent aussi vite — à moins que ne se produise un événement exceptionnel dont la force finit par leur arracher un doute. Ainsi des laudateurs de la mondialisation financière qui auraient tous déclaré « impossible » de toucher en rien aux structures de la finance, mais découvrent, à partir de 2007, et leurs tares congénitales et qu’il est finalement possible d’y faire quelque chose (au moins d’y songer…) ; ainsi également des bons apôtres de la construction européenne à qui il faut le bord du gouffre pour être dessillés mais avaient tout nié en bloc tant qu’on en n’était pas à la dernière extrémité — et que la réalité finira bien par forcer à bazarder leurs dogmes (celui de la BCE indépendante, celui de l’article 63, etc.).

De même, la fiscalité à l’époque de la mondialisation fera l’objet de semblable déni tant qu’on n’aura pas atteint le point ultime de l’écœurement, et tout y demeurera délicieusement « complexité » et « impossibilité » — providentielle anti-constitutionnalité, norme supérieure de l’impossibilité ! Mais c’est oublier que la constitution n’est qu’une forme de loi, sans doute supérieure dans la hiérarchie des normes mais, que l’on sache, encore dans le champ de la délibération démocratique — après tout on a bien su la changer quand il s’agissait de rendre la banque centrale indépendante ; se peut-il qu’il y ait des révisions constitutionnelles aisément concevables et d’autres qui ne le soient pas ? Les constitutions peuvent être changées d’un trait de plume en une nuit, et les Argentins qui ont envoyé à la poubelle leur currency board fin 2001 en savent quelque chose : comme toujours, il suffit qu’une envie collective suffisamment puissante se soit manifestée. Et puis il reste à qui trouverait la procédure de révision trop lourde tous les moyens légaux ordinaires envisageables par une imagination normalement débridée. Si le Conseil constitutionnel s’inquiète que la combinaison d’impôt sur le revenu et d’impôt sur le patrimoine en vienne à imposer certains (sans doute pas nombreux) à 100 %, il suffit d’instituer un seuil sous lequel le revenu net après impôt ne pourra pas descendre, plancher pour le fisc… mais plafond pour les intéressés, en une restauration (convenablement actualisée) du principe, apologie de Georges Marchais, « au-dessus de 40 000 francs mensuels je prends tout » — comme il n’est strictement aucun argument, ni celui du mérite ni a fortiori celui du temps travaillé, qui puisse justifier qu’un individu vaille, et gagne, trois cents fois plus qu’un autre, le revenu net maximal est décidément une idée qui a de l’avenir…

À négligeable, négligeable et demi... Retour à la table des matières

Mais ça n’est pas tout que la chose puisse s’avérer possible, reprend alors le chœur, mise en place elle serait terriblement néfaste. Il est donc temps de rappeler une ou deux choses à propos des supposés bienfaits de la présence des riches. Et d’abord à propos de l’idée que, entre joyaux de la couronne et cœur battant de l’économie, les riches seraient simplement indispensables à notre prospérité collective. La transfiguration des intérêts particuliers en intérêt général est certes l’enfance de l’art idéologique, mais, s’il est des cas où elle est aidée par un certain état des structures économiques qui produit objectivement l’alignement des intérêts de tous sur celui de quelques-uns — à l’image du risque systémique bancaire qui force à venir au secours des institutions financières sauf à encourir une destruction sociale générale —, il en est d’autres où la revendication d’utilité sociale des dominants n’a pas d’autre consistance que celle d’un pur et simple coup de force propagandiste. Comme dans le cas présent.

Il conviendrait pour commencer que les libéraux prennent conscience du défaut de cohérence de leur propre argument qui écarte d’abord la taxation des riches par un argument de « second ordre » : bien sûr, on peut si l’on veut l’envisager, mais elle concerne si peu de monde et s’avérera si peu efficace — quelques centaines de millions d’euros supplémentaires pour se faire plaisir, définitivement pas à la hauteur de la centaine de milliards du déficit à réduire... Or l’argument d’échelle se retourne comme un gant : si les riches pèsent si peu en termes fiscaux, c’est qu’ils ne pèsent pas davantage en termes de capacité d’investissement ! Par conséquent le coût d’opportunité économique d’une taxation des riches est aussi négligeable que leur contribution fiscale — et, comme le souci symbolique de l’équité à toute sa valeur (extra-économique), il ne faut surtout pas se priver.

De l’inutilité sociale de la fortune à l’époque actionnariale Retour à la table des matières

Mais l’argument libéral a la logique incertaine, et une pratique plus éprouvée de la géométrie variable ; aussi persiste-t-il, contre toute cohérence, à soutenir que les riches sont utiles : nous leur devons tout le dynamisme financier des entreprises irriguées par les courageux réinvestissements de la fortune. Hélas, pas davantage.

Encore faut-il pour s’en apercevoir se faire une idée de la façon réelle, et non fantasmée, dont les entreprises financent leurs investissements et ce que, en cette matière, l’on doit à qui. Or, les choses ne se passent pas exactement comme le récit enchanté de la déréglementation financière voudrait le faire croire. Il faut bien reconnaître qu’en matière de contes et légendes, la libéralisation financière n’aura pas manqué d’imagination — et il est vrai qu’il en fallait pour tenter de rendre présentable l’ouverture du parc de loisir de la finance à l’échelle de la planète. Comme toujours dans ces cas-là, « rendre présentable » c’est présenter comme « avantageux à tous ». L’« avantage de tous », ce sont les entreprises — le public est invité à comprendre : emplois passionnants à profusion, innovations, marchandises bariolées et prospérité radieuse. La déréglementation, raconte l’histoire pour enfants sages, a été faite « pour elles ». Car les entreprises pour se financer ont besoin de fonds propres, la meilleure, la plus noble des formes de financement externe. Il fallait donc réveiller la Bourse et la rendre pétulante à nouveau, car c’est bien à la Bourse que se passe la merveilleuse rencontre des entreprises émettrices et des personnes souscriptrices, admirable alliance du capital et du travail qui nous offre une scène de genre propre à faire apparaître rétrospectivement les allégories de l’art pompier comme des modèles de discrétion allusive.

Le paradoxe de la libéralisation financière, mais cette fois impropre aux représentations édifiantes, consiste en ceci que l’énorme machine spéculative censément échafaudée en célébration des entreprises et à la gloire des fonds propres, n’aura que très marginalement modifié la structure d’ensemble de leurs financements — où les émissions d’actions tiennent une place toujours aussi faible, si bien que, trahissant la justification cardinale de la gigantesque opération, elles n’en auront tiré objectivement que des avantages infinitésimaux (et encore...). Sauf regrettable entêtement dans la pensée négative-critique, on se gardera bien de conclure par un « tout ça pour ça » désabusé car, de ne finalement servir aucune de ses finalités externes alléguées n’aura pas empêché la machine spéculative en question de prodiguer quantité d’autres bienfaits — évidemment à l’usage d’un nombre plus restreint de personnes et sans rapport aucun avec le dynamisme de l’investissement productif... Pas perdue pour tout le monde, la libéralisation des marchés d’actions l’aura cependant été au regard des objectifs dont elle s’était fait complaisamment un appareil de justifications. Mais à qui, ou à quoi donc aura-t-elle profité ? Au marché secondaire et à l’investissement spéculatif bien sûr.

Pour se montrer conforme à son concept, ou plutôt à son ambition imaginaire, il aurait fallu que le dynamisme boursier profitât exclusivement, ou majoritairement, au marché primaire, guichet de l’émission de nouvelles actions, c’est-à-dire lieu exclusif où s’opèrent les transferts réels de fonds (propres) des épargnants vers les entreprises. Hors de ces opérations de souscription, les entreprises ne voient pas la couleur des liquidités qui se déversent sur le marché secondaire, quand bien même ces liquidités prennent leurs titres pour support. Car le marché secondaire, marché de l’occasion où ne s’échangent que des titres déjà émis, met, par définition, en rapport non pas entreprises et apporteurs de fonds nouveaux, mais les investisseurs financiers entre eux, détenteurs de titres anciens désireux de s’en défaire et nouveaux acquéreurs qui leurs transféreront leurs épargnes, les uns comme les autres n’ayant rien d’autre en vue que la plus-value (présente pour les uns, future pour les autres), et les entreprises, au loin, observant ce jeu qui ne les concerne pas. Par construction, la circulation autocentrée des marchés secondaires n’offre aucune insertion aux entreprises demandeuses de fonds [7] et l’énorme masse des opérations qui s’y accomplit quotidiennement, faisant pour une part écrasante « l’activité de la Bourse », n’emporte aucune contrepartie en termes de moyens de financement supplémentaires de l’investissement productif.

C’est bien dans cette formidable disproportion des marchés respectivement primaire et secondaire, opportunément confondus dans le générique fourre-tout « La Bourse », que sombre l’argumentaire des bienfaits économiques de la déréglementation financière. Car voilà son admirable bilan en cette matière : le total des émissions nettes d’actions cotées (1650 sociétés) pour 2010 est de... 13 milliards d’euros [8]. Pour qui n’a pas les ordres de grandeur en tête, le caractère dérisoire de cette « performance » s’apprécie en la rapportant par exemple au volume total de l’investissement des sociétés non financières — 193 milliards d’euros [9] —, ou bien, dans un autre registre, au volume moyen quotidien des transactions opérées sur le seul CAC 40 — entre 3 et 5 milliards d’euros... Bien sûr, pour que cette deuxième référence ait du sens il faut se souvenir que les 5 milliards d’euros de transactions quotidiennes sur le CAC 40 doivent être appréciés en tenant compte de la vitesse de circulation de la monnaie, c’est-à-dire du fait que ce sont les mêmes liquidités qui tournent plusieurs fois par jour en ne faisant que changer de mains. Mais pour autant, et en redisant toutes les précautions qui doivent l’accompagner, la mise en regard ne laisse pas d’être frappante. En gros 230 jours de Bourse à 5 milliards d’euros d’amusement chacun, soit la fête annuelle à 1150 milliards d’euros pour, au final, 13 seulement de nouvelles émissions, c’est-à-dire de fonds effectivement dirigés vers les entreprises [10].

Les riches ne font donc pas autre chose que d’alimenter, à fin de plus-value sans rapport avec le soutien de l’investissement productif, la gigantesque machine dissipative. Et si leur pesant financier per capita est assurément bien plus élevé que celui des épargnants moyens, rien ne permet de dire qu’ils répartissent différemment du commun leurs fonds entre marché primaire et marché secondaire. À quoi sert donc l’argent des riches ? Mais à rien d’autre qu’à faire tourner la machine entropique qui soutient à peine 7% de la FBCF annuelle [11] et, des énormes masses financières qu’elle enfourne, n’en convertit qu’une portion ridicule en investissement effectif. Pour le dire plus simplement : l’argent des riches ne sert à rien — qu’à s’augmenter lui-même.

Le capitalisme actionnarial, naufrageur de sa propre idéologie Retour à la table des matières

On dira que les apports en capitaux propres ne se limitent pas aux actions émises par les sociétés cotées et que, sous la cote, il est tout une masse de petites entreprises qui opèrent des levées de fonds par d’autres moyens — certaines réputées prometteuses comme les start-up, financées par « amorçage » ou venture capital. Malheureusement, là encore, la mythologie « nouvelle économie » des garages, des incubateurs et des business angels réunis n’est pas tout à fait à la hauteur de la réalité, en tout cas de celle du compte financier des ménages dont l’INSEE nous dit que, pour 2010, il ne s’augmente que de 8,6 milliards d’euros d’actions non cotées et de 6,7 milliards d’euros de divers autres titres de participation... et fatale rechute dans le dérisoire.

Une dernière protestation objectera que les actions n’épuisent pas les possibilités de financement offertes aux entreprises par les marchés de capitaux en général. Car, à côté de la Bourse stricto sensu, il y a aussi tous les marchés de crédit. Mais par définition on n’y lève que de la dette (obligations), c’est-à-dire qu’on n’y réalise aucune opération qualitativement distincte d’un ordinaire crédit bancaire, par conséquent susceptible d’être réalisée dans un tout autre environnement institutionnel que celui des marchés. Pour les PME d’ailleurs la chose est réglée : n’ayant pas la surface réglementaire suffisante les autorisant à se présenter sur les marchés obligataires, elles sont bien forcées de n’avoir à connaître des charmes de la modernité financière que par presse économique interposée — et pour le reste de se présenter au seul guichet qui leur soit ouvert : celui de la banque. Les grandes entreprises jouissent-elles vraiment de possibilités plus étendues ? Formellement sans doute, mais peu exercées en réalité. Car elles aussi savent bien ce qu’il en coûte de s’en remettre aux foucades des marchés de crédit, qui peuvent céder à la panique sans crier gare, interrompre tous les financements, en général au plus mauvais moment, alors que le crédit bancaire à la papa peut parfois donner lieu à des partenariats de long terme qui permettent de voir au-delà des fluctuations conjoncturelles et de garantir une relative continuité des financements.

Le plus étonnant étant, à la fin des fins, que même les grandes entreprises cotées, a priori les mieux placées pour faire appel à l’épargne-action, ne s’y résolvent qu’avec une extrême parcimonie. Non pas qu’elles en auraient une réticence de principe... mais parce que ce sont leurs actionnaires eux-mêmes qui les en découragent ! C’est que les émissions de nouvelles actions ont, pour les actionnaires dans la place, le mauvais goût d’être dilutives, c’est-à-dire, à court terme en tout cas, de répartir le profit existant sur un plus grand nombre de parts, donc de faire baisser mécaniquement le bénéfice par action... et le cours de Bourse avec lui.

Paradoxe suprême : c’est le capitalisme actionnarial lui-même qui ne veut pas des émissions d’actions ! — de là d’ailleurs cette aberration monumentale qui voit les entreprises sommées par leurs actionnaires de racheter leurs propres actions, selon la simple logique que, si les émissions ont de mauvaises propriétés dilutives, les buy-back [12] ont les propriétés dites « relutives » exactement inverses. Résumons-nous : la Bourse a été déréglementée au prétendu motif d’encourager le financement par actions des entreprises — et porter à son plus haut l’utilité sociale de la fortune privée —, mais la logique profonde du capitalisme actionnarial qui s’est édifié sur la déréglementation financière décourage absolument ces émissions... Pendant ce temps la spéculation continue et l’on continue de clamer que les riches qui envoient leurs épargnes à la Bourse sont la providence de l’économie réelle !

Trickle down... ou trickle up economics ? Retour à la table des matières

Les riches ne servent à rien qu’à eux-mêmes. Et c’est toute la magie du discours de la trickle down economics, l’économie « du ruissellement », que d’avoir tenté de nous faire croire le contraire : laissons les riches s’enrichir ; par une cascade de retombées bienfaisantes ce sont de proche en proche toutes les couches sociales inférieures qui finiront par en profiter. Car après tout les riches investissent, sans doute on vient de voir ce qu’il faut en penser..., mais au moins ils consomment et font tourner le petit commerce, disons plutôt le gros, mais qui fera tourner le moyen, etc. Un quart de siècle d’expérimentation en vraie grandeur devrait faire un délai suffisant pour tirer le bilan — rigoureusement nul — de cette idée à laquelle continuent de s’accrocher la défense et illustration de la vertu sociale des riches. Et l’on finit par se demander s’il ne reste plus que le moyen de la dérision pour balayer enfin ce fatras mensonger, comme celui choisi par le Daily Show de Jon Stewart montrant de quelle manière la trickle down economics a inopinément muté en trickle up economics, les canalisations censément dirigées vers le bas prenant soudain un tour biscornu pour se retourner vers le haut...

Il faudrait dire bien d’autres choses pour être complet, dont certaines ont été évoquées ailleurs [13], et notamment, entre autres :

— que, dans leur bilan d’ensemble, l’inutilité économique des indécentes fortunes s’accompagne de leurs effets sociaux dissolvants, car l’opinion est frappée, au point que le trouble à l’ordre public est constitué, quand devient apparent que les mêmes causes de la finance sont au principe de l’extravagante richesse des uns et des difficultés matérielles des autres, exploités de la valeur actionnariale, licenciés de la récession post crise financière, déremboursés des plans d’austérité, prolongés des retraites différées au nom du triple-A, etc. ;

— que les arguments du mérite à « justement rémunérer », dernière ligne Maginot de la pensée libérale, peinent de plus en plus à masquer les formidables ratages des supposées élites, lesquelles continuent néanmoins de jouir d’une sorte de droit de repêchage inconditionnel et de crédit illimité pour mieux entretenir le mythe des « irremplaçables » ;

— que, par une incohérence de plus, dont il est décidément coutumier, le discours libéral, pour faire l’apologie de l’allocation efficiente (!) du capital par les marchés, n’a de cesse de vanter la « sagesse des foules », des milliers d’opérateurs financiers composant une allocation d’ensemble tellement mieux avisée que toutes les décisions du Léviathan de la politique industrielle. Curieusement cependant, la « sagesse des collectifs » s’évanouit pour laisser de nouveau la place aux « grands hommes » quand il est question de direction d’entreprise... Quand bien même, dans l’ensemble des patrons supposés providentiels, on aurait fait le tri des vendus aux actionnaires, des illuminés et des naufrageurs pour ne garder que les raisonnablement compétents, il n’en est probablement pas un auquel ne puisse se substituer la démocratie récommunale [14] des producteurs assemblés, sagesse des (petites) foules qui vaut au moins celle des marchés...

Déchéances de l’évasion fiscale Retour à la table des matières

Mais on voudrait pour finir évoquer ceci, qui semble prima facie sans aucun rapport avec la question — et pourtant... Il y a décidément lieu de s’affliger des effets durables du débat sur la déchéance de la nationalité qui, dans un de ces accès typiques de racisme d’Etat, spécialement quand il est sarkozyen, avait fait le charme particulier du discours de Grenoble, à l’été 2010 ; discours doublement regrettable, d’abord pour les raisons intrinsèques qu’il est inutile de développer, mais ensuite pour avoir préempté le thème de la déchéance de nationalité et l’avoir détourné de son seul usage pertinent : l’évasion fiscale.

On n’en finit donc plus de parcourir les incohérences de la pensée de droite car, comme l’avait fait remarquer Badiou [15], c’est un étonnant paradoxe que, dressé sur ses ergots patriotiques, Nicolas Sarkozy n’a pourtant jamais eu de cesse que de vouloir aligner servilement la France sur des modèles étrangers, au fil d’ailleurs des inspirations successives de l’air du temps : américain, danois, allemand [16]..., et c’en est un autre, très semblable dans sa forme, que ses apologies de la nation s’accommodent de toutes les désertions fiscales — même si, drame des écritures lentes vouées en période de campagne à être dépassées par les événements, Nicolas Sarkozy vient de s’en prendre soudainement à l’évasion fiscale, et ne veut plus être le « président des riches » — momentanément...

De même qu’il n’y a pas d’amour mais seulement des preuves d’amour, l’appartenance à la nation pourtant si bruyamment revendiquée par la droite sarkozyenne, est en définitive moins affaire de tonitruantes déclarations que d’actes tout à fait concrets comme... payer ses impôts ! L’acquittement des impôts, comme contribution proportionnelle aux charges collectives qui vont nécessairement avec la vie d’une « communauté », quelle que soit son échelle, vient peut-être en tête des manifestations réelles de l’appartenance. Et ça n’est sans doute pas un hasard que les travailleurs sans-papiers se prévalent si souvent de leurs cotisations payées, ou revendiquent le droit d’être soumis à l’impôt sur le revenu, dans une compréhension de ce qu’est l’appartenance nationale qui fait visiblement défaut à Johnny, à Liliane Bettencourt et à tous les exilés fiscaux de leur engeance, exil fiscal qu’il serait urgent de sanctionner de l’exil tout court.

La droite (et l’extrême droite) ferait donc bien de se méfier de l’idée (déjà en soi douteuse) des « vrais Français » — qui ne sont pas ceux qu’elle croit. Autrement Français les clandestins qui aspirent à être régularisés c’est-à-dire à vivre régulièrement, d’une « régularité » à laquelle les riches s’efforcent en permanence de se soustraire. Qu’ils ne veuillent plus des charges de la collectivité signifie par le fait qu’ils ne veulent plus de l’appartenance à la collectivité. Or, la frontière de la collectivité devrait fonctionner selon un principe de porosité symétrique : de même que quiconque désirant y apporter sa capacité contributive (productive, fiscale, vitale) devrait y être admis, quiconque manifestant son désir de ne plus y contribuer ne devrait pas y être retenu... Il se pourrait même que la nation ait beaucoup plus à y gagner à régulariser ceux qui veulent vivre régulièrement sur son sol qu’à tenter de retenir les Florent Pagny, les Alain Delon, et tous les faux indispensables du « dynamisme économique ». À ces derniers en tout cas il faudra expliquer le principe simple de la corrélation entre la nationalité et l’impôt. Et puis les inviter à faire leur choix — mais pour de bon. Qu’ils fuient sous d’autres cieux à la recherche des taux d’imposition qui accroissent encore un peu plus leur fortune, c’est leur affaire. Mais prière en partant de déposer passeport, carte d’électeur, carte de sécu, et d’aller définitivement se faire pendre ailleurs.

Notes

[1] MES : Mécanisme Européen de Stabilité.

[2] TSCG : Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance.

[3] Voir « Gauche de gauche, gauche de droite », Télérama, 2 mars 2012.

[4] C dans l’air, 1er mars 2012.

[5] Les Nouveaux chiens de garde, documentaire de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, Jem Production, janvier 2012.

[6] Ce soir ou jamais, France 3, 17 janvier 2012.

[7] Sauf lorsque celles-ci s’y présentent pour racheter leurs propres actions...

[8] Données Banque de France.

[9] INSEE, Comptes de la nation 2010.

[10] Et encore les 13 milliards d’euros concernent les levées de fonds de toutes les sociétés cotées, au-delà du seul CAC 40...

[11] FBCF : Formation brute de capital fixe. La FBCF permet de mesurer l’investissement productif.

[12] Les rachats par les entreprises de leurs propres actions.

[13] Voir « Bonus et primes : le (résistible) chantage des “compétents” », Blog La pompe à phynance, mars 2009.

[14] Comme on dit « république », la chose publique, on peut parler de « récommune » pour signifier que l’entreprise, comprise non plus comme la chose patrimoniale des actionnaires, est la chose commune (res communa) de tous ceux qui y travaillent — les salariés !

[15] Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, Lignes, 2007.

[16] À propos des contresens de la frénésie des modèles étrangers à importer, voir l’entretien de Robert Boyer, lefigaro.fr, 13 mars 2012.

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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 21:20

Nous réclamons un référendum sur le nouveau traité européen !

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En signant ce matin un nouveau traité d’austérité budgétaire à quelques semaines seulement des élections présidentielle et législatives, le candidat Sarkozy procède à un coup de force contre nos concitoyens.

Ce traité, qui n’a été soumis préalablement à aucune instance parlementaire, qui n’a fait l’objet d’aucune information des groupes parlementaires et des responsables de partis, qui n’a pas l’assentiment du Parlement européen, est le vrai programme de M. Sarkozy, écrit sous la dictée de la chancelière Merkel. Son crédo est : l’austérité, l’austérité, et toujours l’austérité pour les peuples pendant que les banquiers se gavent. La Banque centrale européenne a dégagé mille milliards d’euros ces derniers temps pour les banques privées pendant qu’on serre la vis aux peuples partout dans l’Union européenne. A quoi a servi cet argent ?

 

Le traité obligera à réduire les dépenses sociales et publiques bien au-delà de ce qui était inscrit dans les traités de Maastricht et de Lisbonne, tandis que les recettes des Etats sont sans cesse amoindries par les baisses d’impôts sur les plus fortunés et sur le capital, ainsi qu’avec le recul de la croissance. Les peuples, à travers leurs représentants élus, perdront leur souveraineté sur leurs propres finances publiques, au profit des technocrates non élus de la Commission européenne. Et quiconque ne se soumettra pas à ses diktats se verra traduit devant la Cour de justice européenne.

 

Ce texte est totalement irresponsable et risque de faire exploser l’Union européenne elle-même. En effet, à peine la signature des chefs d’Etat et de gouvernement sur ce texte scélérat était-elle sèche que les gouvernements espagnol et néerlandais étaient contraints d’avouer que leur pays était placé en alerte, leur déficit public s’étant brutalement aggravés malgré de drastiques plans d’austérité. Dans toute l’Union européenne  on assiste à une hausse vertigineuse du chômage, de la précarité et de la pauvreté. Il faut avoir le culot mensonger d’un M. Sarkozy pour affirmer, comme il l’a fait en début d’après-midi, que « la page de la crise est tournée ». Les milieux d’affaires avec lesquels vit M. Sarkozy ne connaissent certes pas la crise, mais les seize millions de nos concitoyens qui tirent chaque fin de mois le diable par la queue la subissent et en souffrent douloureusement.

Puisque M. Sarkozy prétend être devenu organisateur en chef de référendum, nous proposons que toute la gauche se rassemble pour réclamer que le texte du nouveau traité soit mis à la disposition de chaque française et français et qu’un référendum soit organisé sur ce texte. A quelques jours de l’élection présidentielle, le candidat Sarkozy n’a aucune légitimité pour engager seul la parole de la France. Seul le peuple souverain doit pouvoir engager notre pays sur la signature de traités internationaux. Seul notre peuple peut décider, au terme d’un débat démocratique, de son avenir. Nous réclamons un référendum sur le nouveau traité européen.

Pour votre information, je mets à votre disposition le texte du nouveau traité européen signé aujourd’hui au Conseil européen, cliquez ici.

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