Il y a 50 ans, en 1960, dix-huit colonies d'Afrique subsaharienne accédaient à l'indépendance après une occupation européenne d'une durée à peine plus longue. Parmi elles, quatorze colonies françaises...
Cet anniversaire, quelque peu occulté par la France et les États africains eux-mêmes, est l'occasion pour Herodote.net de vous raconter la longue Histoire du continent.
Nous vous proposons cette semaine l'Afrique des origines, de 8000 avant JC à 1000 après JC, racontée par Vincent Boqueho, sur une animation cartographique et illustrée de sa conception.
Du fait de la quasi-absence d'écriture et de vestiges archéologiques, l'Afrique subsaharienne précoloniale n'est connue que par le biais des Arabes et des Européens. On peut toutefois en dégager les grandes lignes directrices, pilotées par la géographie et les contacts avec le reste du Monde.
Dans l'ensemble du continent africain, le relief souvent très érodé forme rarement des barrières infranchissables. Les hauts plateaux de l'Afrique Australe tempèrent le climat et assainissent l'air par rapport aux côtes insalubres du Mozambique.
La principale curiosité géologique reste la vallée du Rift, dont les prolongements s'étirent depuis le Proche Orient jusqu'au Mozambique. Ce Rift est dû à l'écartèlement du continent, et à l'ouverture d'un futur océan.
Plusieurs stades d'évolution sont d'ailleurs visibles : l'extrémité sud s'est déjà détachée et forme l'île de Madagascar, au nord l'éloignement de l'Arabie crée la mer Rouge, tandis qu'ailleurs la fracture naissante entraîne l'existence de grands lacs tout en longueur. Les terres volcaniques et élevées encadrant cette vallée sont particulièrement fertiles, et ont très tôt permis une plus grande densité de population, depuis l'Éthiopie jusqu'à l'actuel Malawi.
Les principales autres chaînes montagneuses sont l'Atlas au nord-ouest, et le Drakensberg au sud-est.
Si le relief crée des structures plutôt favorables à l'Homme, le climat en revanche forme des barrières beaucoup plus hostiles. Le désert du Sahara en est bien sûr le meilleur exemple : il crée une rupture culturelle majeure entre le nord et le sud, plus encore que ne le ferait une étendue maritime. On notera aussi le désert du Namib au sud, plus limité.
La forêt dense équatoriale constitue un obstacle peut-être encore plus important que les déserts : elle empêche non seulement les mouvements de peuples, mais aussi le commerce. Le commerce transsaharien, au contraire, a eu longtemps une certaine importance dans l'Histoire de l'Afrique.
Il existe deux voies de pénétration majeures de l'Afrique : le Nil d'une part, et les détroits de Bab el Mandeb d'autre part, qui la lient à l'Arabie. Ce lien se retrouve dans le peuplement : les populations sémitiques dominent le nord-est de l'Afrique.
L'influence de la civilisation arabe s'est aussi étendue beaucoup plus loin par le biais du commerce : le commerce transsaharien, d'une part, qui a favorisé l'essor de toute une chaîne d'États le long du Sahel. Et, d'autre part, le commerce dans l'Océan Indien qui a concerné toute la côte orientale de l'Afrique.
Maintenant qu'on a récapitulé les constantes géographiques du continent, on va pouvoir comprendre les grands événements chronologiques qui ont jalonné son Histoire.
L'Afrique est habitée par un grand nombre de peuples aux langues distinctes. On observe généralement quatre grands groupes linguistiques, à l'intérieur desquels les analogies entre les langues laissent présager d'anciens liens entre les populations.
Le premier groupe est le groupe afro-asiatique. Vers 1000 avant JC, il occupe déjà une bonne part du nord de l'Afrique, et ce depuis fort longtemps. On notera son débordement au sud du Sahara, lié au fait que ce n'était pas encore un désert il y a 6000 ans.
Le groupe afro-asiatique inclut les Sémites, qui ont déjà migré jusqu'en Éthiopie à cette époque, et qui incluront plus tard les Arabes. Il regroupe aussi les Berbères, les Anciens Égyptiens, les Couchitiques, et bien d'autres peuples.
Plus au sud, on trouve le groupe nigéro-congolais, à l'ouest, et le groupe nilo-saharien à l'est.
Mais la majeure partie de l'Afrique subsaharienne est alors habitée par le groupe des Khoisans. Contrairement aux autres, ces peuples ne connaissent pas l'agriculture : ils vont subir de plein fouet un phénomène majeur en Afrique, la migration des Bantous...
Vers 800 avant JC, les Phéniciens ont fondé Carthage sur les bords de la Méditerranée. L'idée est de profiter du commerce du sel et de l'ivoire à travers le Sahara. Ils apportent avec eux la technologie du fer, qui va sans doute finir par se diffuser au-delà du Sahara par le biais des échanges commerciaux.
C'est précisément droit au sud de Carthage, vers l'actuel Cameroun, que vivent les Bantous, qui appartiennent au groupe nigéro-congolais. Forts de la maîtrise de l'agriculture et de la technologie du fer, ils vont entamer des migrations vers l'est et le sud dans les derniers siècles avant JC, principalement aux dépens des Khoisans.
Freinés par la forêt dense au sud, ils progressent surtout vers l'est jusqu'à gagner la région des Grands Lacs au début de notre ère. Puis ils poursuivent leur progression vers le sud, dans toutes les régions favorables à l'agriculture : vers l'an 400, les Khoisans ne subsistent déjà plus que dans les régions les plus arides de l'Afrique Australe.
Cette progression ne doit pas être vue comme un ensemble de conquêtes militaires : il s'agit avant tout d'une domination démographique permise grâce à l'agriculture.
Notons qu'au début de notre ère, l'île de Madagascar n'a sans doute encore jamais vu la présence de l'Homme. Des Indonésiens l'atteignent, peut-être vers 500, leur statut d'insulaires en faisant d'excellents navigateurs. Ils sont suivis par des Mélanésiens. Les descendants des premiers occupent les plateaux centraux ; les seconds les littoraux. La langue malgache a conservé jusqu'à nos jours l'origine asiatique des habitants de la Grande Île.