En cette rentrée, il semble que les agents de la fonction
publique sont une cible particulière de Nicolas Sarkozy.
Bernadette Groison. L'objectif de supprimer 100 000
fonctionnaires en trois ans est déjà un indicateur de ce que le gouvernement veut faire de la fonction publique. Il fait le choix d'avoir moins d'écoles, de services administratifs bref, moins
de services publics. Ainsi, les 16 000 postes en moins dans l'éducation nationale ont déjà des incidences : non-remplacement des enseignants absents, baisse de la scolarisation des enfants de
deux ans, suppression des dispositifs d'aide aux élèves en difficulté, augmentation des effectifs par classe Le service public, dont on a dit il y a quelques mois qu'il servait d'amortisseur
social à la crise, est mis à mal. Et la réforme des retraites maltraite aussi particulièrement les fonctionnaires. Comme tous les salariés, ils subiraient un report de l'âge de départ il est
difficile d'imaginer d'être encore en exercice à 65 ou 67 ans , mesure à laquelle s'ajouteraient l'alignement du taux de cotisation représentant, à terme, la perte d'une journée par mois de
salaire, la suppression du dispositif de départ anticipé pour les mères de trois enfants, la restriction de l'accès au minimum garanti Et on annonce aussi le gel des salaires. Les
fonctionnaires paient donc le prix fort. C'est inacceptable.
L'éducation nationale est-elle en danger ?
Bernadette Groison. On a atteint le bout du bout. Quand le
ministre sort les plus « méritants » des établissements sensibles, envoie les « perturbateurs » dans d'autres établissements, il avoue, de fait, qu'il a renoncé à la réussite de tous les
jeunes. Il n'y a plus aucune ambition pour les 700 000 jeunes qui sont en ZEP. Face à la violence à l'école, j'entends Luc Chatel dire : « On va sanctionner. » Mais j'aimerais l'entendre dire
avec autant d'ardeur qu'il va mettre du personnel, en nombre et formé, dans ces écoles et ces établissements, qu'il prend les choses aussi en amont en faisant de l'éducation une
priorité.
Le dossier des retraites va-t-il cristalliser tout ce
mécontentement ?
Bernadette Groison. Oui, parce qu'il percute le déroulement de
carrière et les choix personnels de chaque salarié. C'est pourquoi nous pouvons créer un réel rapport de forces qui fasse reculer le gouvernement sur ce projet. Et nous tenons à l'articuler
avec l'emploi et le pouvoir d'achat, parce que c'est lié. On nous dit qu'il va falloir travailler plus longtemps mais les jeunes n'arrivent pas à entrer sur le marché du travail et les seniors
en sont expulsés ! 85 % de l'effort financier est demandé aux salariés mais on se prive de cotisations sociales en se privant d'emplois. Les gens comprennent ces contradictions. C'est pourquoi
il faut pouvoir rediscuter de tout et notamment du financement des retraites.
Les fonctionnaires ne sont-ils pas sur la défensive devant une
campagne qui les désigne comme des privilégiés ?
Bernadette Groison. Je crois que c'était vrai il y a quelques
années mais que cela change. Harmoniser ne signifie pas faire pareil avec les uns et les autres. Les structures d'emploi sont différentes et l'harmonisation proposée fait perdre aux salariés du
public sans faire gagner ceux du privé !
Sur quoi comptez-vous pour faire reculer le gouvernement
?
Bernadette Groison. On ne fera rien reculer sans la
mobilisation des salariés et l'unité syndicale, qui est un atout majeur. Je pense qu'il y a, chez les parlementaires de la majorité, des hésitations et des fissures. Les élus n'ont pas le même
rapport avec les citoyens. Le débat peut changer de nature.
Si le gouvernement, comme c'est possible, ne vous entend pas
mardi, il va falloir faire vite
Bernadette Groison. Oui, c'est pourquoi l'intersyndicale se
réunit dès le lendemain. Le fait que les organisations syndicales soient toutes déterminées à ne pas laisser passer cette réforme est une preuve de sa gravité. C'est une détermination qui doit
nous permettre de trouver ensemble les moyens d'élargir encore et d'amplifier la mobilisation.
L'intersyndicale est en place depuis deux ans maintenant.
Est-ce un réel changement dans le paysage ?
Bernadette Groison. C'est le signe d'une maturité. On entre
dans une nouvelle ère du syndicalisme où les divergences et les nuances sont assumées pour dégager des objectifs communs et faire avancer les choses. C'est essentiel pour les salariés, pour
redonner confiance en l'action collective. Au-delà des conséquences de la loi sur la représentativité qui vont certainement modifier le paysage syndical, toutes les organisations réfléchissent
sur le rôle du syndicalisme en France aujourd'hui.