Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le droit de propriété et le droit au
logement sont, certes, deux droits constitutionnels, mais force est de constater que le Gouvernement a beaucoup plus œuvré en faveur du premier que du second.
Nous sommes loin du mythe élyséen d’une France de propriétaires. Le quotidien de bon nombre de nos concitoyens est
plutôt celui des difficultés de logement, du surendettement, du chômage, de la précarité galopante, voire des expulsions locatives pour les plus fragiles.
En effet, comme en témoigne la récente enquête de l’INSEE, notre pays compte aujourd’hui huit millions de pauvres –
essayez de ne pas l’oublier ! –, c’est-à-dire que 13 % de la population vit avec moins de 949 euros par mois, pour une personne seule, et 2 000 euros, pour un couple. Dans ces
conditions, comment accéder à un logement ou simplement s’y maintenir ?
On a évoqué la région de l’Île-de-France en général. Pour ma part, je parlerai de Paris. Selon le collectif Jeudi noir,
les loyers y ont augmenté de 50 % en douze ans. L’an dernier, les prix des logements neufs ont encore bondi de près de 6 % par rapport à 2009. Malgré la crise, la spéculation se
porte bien ! Ces hausses se situent bien au-delà de l’augmentation du pouvoir d’achat et de l’inflation.
Votre réponse à la crise financière et sociale que traverse notre pays consiste en toujours plus d’austérité pour la
grande majorité de nos concitoyens et toujours moins de solidarité nationale. Voilà la réalité !
Ainsi, depuis 2004, si le niveau de vie des plus modestes a stagné, celui des plus aisés a progressé sous l’effet de la
hausse des revenus du patrimoine. C’est ce que l’INSEE appelle un accroissement des inégalités « par le haut », accroissement des inégalités bientôt renforcé par la suppression de
l’ISF. Pour celui qui se voulait le Président du pouvoir d’achat, il s’agit là d’un échec manifeste. L’effort exceptionnel en faveur du logement, pourtant annoncé, se fait également
toujours attendre.
La politique du Gouvernement ne respecte pas les droits fondamentaux, notamment le droit au logement, qu’il a pourtant
fait reconnaître dans la loi DALO. Il ne respecte donc pas la loi qu’il a fait voter.
Ce renoncement à mener une politique du logement ambitieuse est d’ailleurs confirmé par le Conseil d’État, dans le
cadre de son rapport de 2009 intitulé Droit au logement, droit du logement. Celui-ci déclare en substance : alors que de nombreux plans de rattrapage initiés par le Gouvernement et
approuvés par le Parlement supposeraient une augmentation de l’effort budgétaire en faveur du logement, on a assisté de manière paradoxale à une débudgétisation croissante des dépenses de
logement, à une baisse du pouvoir « solvabilisateur » des aides personnelles, à un recul des aides à la pierre et à un recours croissant à des aides fiscales dont l’effet n’est
pas mesuré. Faisant face à de sérieuses difficultés budgétaires, l’État en est même venu à puiser dans les ressources du 1 % logement, au risque de diminuer l’effort collectif en
faveur du logement.
Cela a le mérite d’être clair. Voilà le résultat de votre politique !
Je ne prendrai qu’un simple exemple : la contribution de l’État au financement du logement à Paris, prévue dans la
convention signée avec la ville, est passée de 660 millions d’euros pour la période comprise entre 2005 et 2010 à 500 millions d’euros pour les six ans à venir. Voilà qui s’appelle une
baisse !
Par ailleurs, le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, n’a pas souhaité donner quitus à
la demande du maire de Paris d’encadrer les loyers à la relocation, au nom de la liberté du marché. Vous avez évoqué l’éventualité d’un encadrement des loyers des petites surfaces, mais
nous n’avons pas vu le début du commencement d’une application concrète. (M. Alain Gournac s’exclame.)
Comment ignorer aujourd’hui les impasses de la marchandisation du logement ?
Depuis le milieu des années soixante-dix, le logement est considéré non plus comme un bien devant répondre à des
besoins sociaux et humains, mais comme une marchandise. Cette politique s’est traduite par un glissement des aides de l’État en faveur de la construction de logements sociaux, qui
atteignent moins de 500 millions d’euros cette année, vers un système de financement de la construction poussant à la spéculation par le biais des dispositifs Robien, Périssol ou Scellier.
Et je ne compte pas les affres de la spéculation immobilière en zones tendues …
Dans ces conditions, comment respecter le fameux DALO si le nombre de logements construits ne permet pas de le
garantir ? Vous être pris dans vos propres contradictions !
Vous avez également tout fait pour porter atteinte à la loi SRU en ne sanctionnant pas les maires qui la
bafouent.
Là encore, je prendrai l’exemple de Paris. Les maires des VIIe et XVIe arrondissements, où la quantité de logements
sociaux est proche de zéro, usent ainsi, en toute impunité, de moyens scandaleux pour s’opposer à tout programme de construction voté par la majorité du Conseil de Paris, quitte à engager
des procédures judiciaires totalement indignes – elles devraient d’ailleurs être frappées d’illégalité – pour pouvoir empêcher, pendant trois ans, la construction du moindre logement
social.
Ainsi, en dépit de la satisfaction ministérielle, que vous avez relayée tout à l’heure, monsieur Gournac, en vous
gargarisant d’un bilan de plus de 131 000 logements sociaux construits, et ce alors même que seuls 71 000 logements sont sortis de terre, la crise du logement est à son paroxysme.
Il faut donc trouver des solutions.
S’il importe de renforcer les dotations budgétaires et de les réorienter sur les aides à la pierre, s’il convient, bien
évidemment, d’agir sur les salaires et le pouvoir d’achat, je voudrais vous alerter une nouvelle fois sur une piste que le Gouvernement se refuse toujours à mettre en œuvre. Je veux parler
de la réquisition de logements vides, solution à laquelle, selon une récente enquête, 74 % de nos concitoyens seraient favorables. Or, si cette réquisition est prévue dans plusieurs
articles du code de la construction et de l’habitation, elle n’est pas utilisée par les préfets.
Je vous rappelle pourtant que la situation est grave, notamment à Paris : 119 467 personnes y ont fait une demande
de logement social, 26 874 personnes y ont déposé un dossier de recours DALO et 12 500 ménages y attendent toujours une proposition en ayant été déclarés prioritaires par les commissions
DALO.
Tout comme la Fondation Abbé Pierre, le DAL et Jeudi noir, nous demandons l’application immédiate de l’ordonnance de
1945. Il s’agit, en outre, d’un levier d’action majeur puisque, selon l’INSEE, on compte 1,8 million de logements vacants en France, dont 330 000 en Île-de-France et 122 000 à Paris. Voilà
la réalité ! Il ne faut pas généraliser, avez-vous dit, mais reconnaissez que la situation est, par endroits, extrêmement tendue et difficile.
À nos yeux, la réquisition de logements vides devrait également concerner les bureaux. Actuellement, 4,5 millions de
mètres carrés de bureaux sont vacants. Mieux vaudrait utiliser ces surfaces pour répondre à la crise du logement plutôt que pour obtenir un triple A. Telle est en effet la note attribuée
selon le système de notation boursière aux entreprises dont 10 % au moins de leur patrimoine immobilier demeure vacant ; c’est aussi cela, la réalité !
Voilà une nouvelle preuve de la folie de l’ultralibéralisme !
La question de l’hébergement reste également problématique. Ainsi, au cours du mois de février 2011, le SAMU social a
pris en charge près de 16 000 personnes logées à l’hôtel, pour une somme de 450 000 euros. Que d’argent dépensé de manière parfaitement inutile et qui pourrait être utilisé
autrement !
Bien entendu, nos propositions ne s’arrêtent pas au contenu du texte que nous défendons aujourd’hui. Mais avouez tout
de même que le fait de le voter permettrait au moins d’envoyer un signal : il n’y a pas que le droit à la propriété à préserver, car personne ne peut vivre sans un toit !