(MAGAZINE)
Par Franck MADOEUF
PARIS , 8 mars 2010 (AFP)
- Les femmes immigrées travaillant clandestinement en France, qui ont rejoint le combat des hommes sans papiers en grève pour être régularisés, occupent souvent des emplois de confiance au sein des familles, gardant enfants ou vieillards, mais vivent dans
l'insécurité.
"Nous possédons le code d'accès de l'immeuble, les clefs de l'appartement et le code de la carte bleue pour les courses, une confiance s'instaure dès la début", explique Grâce, une Ivoirienne gardant des enfants à Paris.
"Mais nous avons une étiquette: celle de +sans-papiers+, une épée de Damoclès pouvant nous conduire au commissariat, puis au centre de rétention, puis à l'avion", rappelle Rita. Cette jeune Congolaise précise que "certains employeurs déclarent leur employée, d'autres font souvent du chantage pour déterminer le salaire".
"Sans papiers, on devient rien du tout, les gens ne nous regardent pas pour ce qu'on a dans la tête, mais seulement pour le bout de papier qui nous manque", regrette Dida. Cette Algérienne qui préfère l'anonymat garde deux fillettes de 11 et 7 ans qui lui sont "très attachées", aux deux domiciles des parents séparés.
"Tous deux ont rempli sans problème mon dossier Cerfa de régularisation, ils sont 100% avec moi", précise la jeune femme pour qui les moments qu'elle passe seule avec les deux enfants "sont ceux de l'innocence, ceux où (elle se) sent le mieux".
"Je parcours Paris du matin au soir, j'ai sept employeurs différents quiont tous rempli le Cerfa", raconte Oksana. Cette Ukrainienne de 33 ans, qui enseignait l'anglais chez elle, alterne ménage, repassage et garde d'enfants depuis 10 ans à Paris.
En tout, l'association Femmes égalité, qui soutient ces travailleuses au sein d'un collectif de onze syndicats et associations défendant les sans-papiers, a recueilli 200 dossiers Cerfa remplis par autant d'employeurs souhaitant régulariser leurs salariées.
"La circulaire de régularisation en vigueur reste floue et exclut les travailleurs au noir", regrette sa présidente, Ana Azaria.
Rose, Camerounaise, a travaillé 18 mois dans une entreprise de nettoyage avant d'être forcée à démissionner quand ses patrons ont su qu'elle était sans papiers.
"Je cherche un autre emploi par mes proches et par mon église, mais je sors rarement de la maison à cause des contrôles", explique-t-elle. Une fois, un policier lui a demandé ses papiers et lui a rendu son passeport sans vérifier sa situation plus avant.
Malgré la peur, elle participe aux rassemblements car elle "espère quelque chose de positif" de la mobilisation.
"Le travail de ces femmes ne peut pas être délocalisé, et il correspond à un vrai besoin, elles ne volent l'emploi de personne. Leur régularisation serait la reconnaissance d'un vrai travail qui demande patience et capacité d'écoute", martèle Francine Blanche, de la CGT. Elle souligne "le grand courage de ces salariées qui ne peuvent pas se mettre en grève et qui manifestent pour le droit d'être +des travailleuses comme les autres+".
Ces femmes sont généralement venues d'Afrique noire, d'Europe de l'Est ou du Maghreb, laissant souvent des enfants derrière elles. Leur "sortie de l'ombre" pour rejoindre la lutte des hommes a été plus difficile.
"Elles sont isolées, sans collègues de travail, et leur démarche naturelle n'est pas d'aller voir un syndicat", rappelle Ana Azaria.
"Elle veulent cotiser, être en règle, et ce alors que la pénurie de main-d'oeuvre est de plus en plus criante dans le secteur du service à la personne où le premier employeur... est le travail non déclaré", ajoute-t-elle.
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