Le secrétaire général de la CGT sera aujourd'hui à Boulogne-sur-Mer. Il revient pour Nord éclair sur le
sommet social auquel il participait hier et explique sa venue dans la région.
PROPOS RECUEILLIS PAR BÉRANGÈRE BARRET berangere.barret@nordeclair.fr
Quel est votre sentiment après le sommet social
?
Malheureusement sans surprise. Il n'y a aucune mesure sur un plan social ou économique à la hauteur de la
situation telle que nous la décrivons, à savoir toujours aussi préoccupante. Il semble que le président de la République, lui, se satisfasse d'indicateurs ou de projections sur l'avenir un peu
plus optimistes. Il n'y a donc rien qui ne soit à la hauteur de l'urgence sociale de la période.
Quels types d'annonces sur l'emploi ou le pouvoir d'achat auriez-vous
aimé entendre ?
Revoir, par exemple, les
exonérations de cotisations sociales attribuées aux entreprises, insister sur l'urgence qu'il y a à redessiner la politique industrielle. Le pouvoir d'achat est une question qui revient sur le
devant de la scène, or il n'y pas de revalorisation du smic, l'État est plutôt spectateur de ce qui se passe. Le chef de l'État nous renvoie vers une discussion avec les employeurs sur le
partage de la valeur ajoutée, mais jusqu'à présent les employeurs n'ont pas voulu discuter du sujet. Donc on voit bien qu'il n'y a pas de volonté politique de proposer de nouvelles mesures.
C'est ce que nous devrons prendre en compte ce soir (hier, ndlr) lors de l'intersyndicale pour aborder la journée de mobilisation du 23 mars.
Cette mobilisation portera-t-elle aussi sur les retraites
?
Sur l'emploi, sur le pouvoir d'achat, mais nous souhaitons aussi, pour notre part, qu'elle porte sur les
retraites. Il nous a été indiqué lors du sommet que le gouvernement déposera un projet de loi au mois de septembre et non plus comme ça a été envisagé en juillet. Manifestement le président de
la République a compris que donner le sentiment de passer en force sur ce sujet était contre-productif. Il a également parlé d'une volonté de concertation.
Vous y croyez
?
Nous allons voir. En même temps,
personne n'est dupe : le Premier ministre, le président de la République ont déjà largement diffusé les orientations qu'ils souhaitaient voir précisées dans une loi. L'élément nouveau qui peut
amener le gouvernement à voir différemment, c'est le degré de mobilisation des salariés.
Vous avez réfuté l'un des arguments gouvernementaux qui justifie selon
lui une réforme des retraites, à savoir les chiffres du futur déficit du système de retraite (100 milliards d'euros en 2050). Malgré tout, ne pensez-vous pas qu'une réforme du système des
retraites est indispensable
Bien sûr et personne n'en conteste la nécessité. Mais nous réfutons les chiffres avancés, parfois
fantaisistes. En l'occurrence, les 100 milliards repris comme une espèce de slogan par le gouvernement ne correspondent à aucune étude sérieuse. On est en droit de se demander pourquoi avancer
de tels chiffres si ce n'est pour noircir un peu plus le tableau et justifier une réforme urgente.
Selon vous, dans quel sens devrait aller la réforme des retraites
?
Le principal défi est de réunir
davantage de moyens financiers : la population à la retraite augmentant, il faut accepter cette idée que les retraites coûteront plus cher. Or, le vrai sujet pour nous est moins le décalage
entre le nombre d'actifs et le nombre de retraités que le taux d'emploi dans notre pays. On peut bouger le curseur du rapport actif-retraité si on améliore la situation de l'emploi. Donc nous
récusons l'argument qui consiste à dire qu'il est inéluctable qu'il faille travailler plus longtemps. Il est possible de financer des retraites plus nombreuses si on améliore la situation de
l'emploi dans notre pays. D'autant plus qu'en termes de productivité du travail nous sommes le pays le plus performant au monde. C'est d'ailleurs pour commencer notre campagne d'explication sur
notre diagnostic des retraites que je viens demain à Boulogne. Vous y visiterez la zone commerciale d'Auchan, où on ne compte que 6 syndiqués sur 500 salariés.
Comment expliquez-vous le faible taux de syndicalisation dans certains
secteurs ?
Le premier motif que les salariés du privé évoquent c'est la peur des représailles. Et singulièrement dans la
grande distribution, les attitudes anti-syndicales sont très nombreuses.
Malgré tout, dans le Nord - Pas-de-Calais, notez-vous une tradition
syndicale importante ?
Ça fait partie des régions où nous sommes bien implantés, où la CGT a une réelle influence. Ça fait partie
des bases importantes sur lesquelles on compte pour organiser la mobilisation aujourd'hui.
L'actualité sociale, c'est aussi Philips ou
Total à Dunkerque...
J'ai demandé au président de la République que le gouvernement sanctionne les comportements du style Philips.
Il est inacceptable qu'une entreprise comme celle-là se permette les procédés qui ont été utilisés ce week-end, à savoir annoncer à des salariés qu'ils doivent rester chez eux, sans respecter
aucune procédure.
En même temps vous dites que c'est aussi le comportement du
gouvernement qui permet ce genre d'agissements...
Oui parce que sur les sujets qui fâchent avec le patronat, le gouvernement accepte de jouer la montre et donc
d'accompagner les positions patronales.
Chez Total, les salariés prévoient de prendre
possession de l'outil de travail (lire aussi en p.6). Qu'en pensez-vous ?
C'est un réflexe classique : des
salariés, privés de leur emploi, usent des moyens d'action qui sont à leur portée pour faire entendre leur situation.
Concernant les régionales, beaucoup de syndicalistes se présentent sur
les listes NPA...
Des syndicalistes se retrouvent sur beaucoup de listes différentes. Socialistes, Front de gauche, voire
MoDem. Naturellement il appartient à ces militants d'assumer leur choix.
Quel sera le message de la CGT pour ce prochain scrutin
?
Nous venons de nous prononcer pour une forte participation des salariés, et pour dire en quoi les instances
régionales sont des lieux de pouvoir qu'il ne faut pas négliger.