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22 juillet 2013 1 22 /07 /juillet /2013 14:55
FRONT DE GAUCHE : PROBLEMES ET PERSPECTIVES
vendredi 12 juillet 2013
par João Silveirinho

En parvenant, depuis les élections européennes, à présenter des candidatures unies (mais pas partout), puis à se regrouper pour soutenir un candidat à l’élection présidentielle (Jean-Luc Mélenchon) défendant un programme cohérent, les différentes formations politiques composant le Front de Gauche ont ouvert une possibilité d’expression politique significative à la gauche du Parti Socialiste. Nous insistons sur « possibilité ». En effet, si la campagne des élections européennes a permis d’obtenir des résultats, modestes, en progrès par rapport à ceux du Parti Communiste précédemment, celle des élections régionales de 2010 fournit un bilan très nuancé : le Parti Communiste ne parvient pas à réaliser une unité du Front de Gauche sur l’ensemble du territoire et, dans cinq régions métropolitaines, ce parti fera alliance dès le premier tour avec les listes du Parti Socialiste. Malgré un score global honorable en pourcentage, la sphère politique représentée par le Front de gauche perd 20% de ses élus.

Ces débuts difficiles seront sublimés par la campagne des élections présidentielles : un candidat unique (ce qui parait évident pour une élection de ce type, mais rappelons que la mouvance de la gauche du PS avait réussi l’exploit, en 2007, de présenter trois candidats avec des programmes extrêmement proches, avec un résultat évidemment microscopique), disposant d’un programme conséquent, déployant un talent de tribun reconnu tant par la classe politique que par l’opinion ; un résultat en forte progression, dépassant les 10%, soit 50% de mieux que les votes recueillis par les trois candidats de 2007. De quoi se réjouir ? Pas tout à fait : en fixant la barre plus haut, en annonçant haut et fort que l’objectif était de battre la candidate du Front national, ce qui fut objectivement un succès se nuança rapidement de demi-teintes, ce qui est plus joli en peinture qu’en séquence électorale. Ajouter que ces demi-teintes furent abondamment utilisées par les « politologues » patentés squatteurs d’écrans pour relativiser le score du Front de gauche est juste mais vain : l’erreur d’appréciation du camarade Mélenchon gâcha un peu sa superbe campagne. Et les législatives qui suivirent ont amplifié le phénomène, conséquence, aussi, de la stupide réforme Jospin-Chirac d’inversion du calendrier électoral, qui a consacré s’il en était besoin la prééminence de l’élection présidentielle : la « gauche de gauche » a perdu la moitié de ses députés, et Jean-Luc Mélenchon, à nouveau, ne peut faire mieux que Marine Le Pen dans le Pas de Calais

Et depuis ? Depuis, le Front de Gauche a agrégé d’autres petites formations. Elles sont désormais huit, dont trois ex-courants du NPA, le PCOF (Parti Communiste Ouvrier de France, les ex-« albanais », assagis puisqu’ils ne taxent plus le PCF de révisionnisme, mais très loin d’être un parti de masse), Socialisme et République, semi-dissidents chevènementistes et, un peu plus implantés tout en ayant des effectifs modestes, la FASE (Fédération pour une alternative sociale et écologique), forte de deux députés et les Alternatifs, représentés dans plusieurs conseils municipaux. Sauf le respect qu’on leur doit, ces formations demeurent assez confidentielles. Le Front regroupe aussi deux partis plus importants, le Parti de gauche, celui de Jean-Luc Mélenchon, fort dune douzaine de milliers d’adhérents très militants et de quelques élus, et le PCF, plus de cent mille adhérents et un tissu d’élus locaux encore important.

Depuis, le Front de Gauche, en tant que tel, a peu travaillé, ses composantes se consacrant davantage à leur vie interne qu’à des projets communs, à l’exception de campagnes unitaires, contre l’austérité ou, probablement à l’automne, contre la réforme des retraites en cours de discussion. Depuis, un tandem Jean-Luc Mélenchon-Pierre Laurent a principalement représenté le Front de Gauche, le bruit et la fureur de l’un, le calme distancié de l’autre. Ne nous cachons pas que le Front de Gauche peine à faire passer ses idées dans les médias. Et ne rejetons pas toute la faute (mais une bonne partie quand même) sur ceux-ci. Si les propositions du Front de Gauche élaborées lors de la séquence de l’élection présidentielle demeurent pertinentes, elles ont besoin d’être actualisées et complétées, mais ce travail, on l’a dit, se fait peu. On peut aussi s’interroger sur l’utilisation, notamment par le Parti de Gauche, d’une rhétorique parfois très agressive qui fait certes, ponctuellement, le miel des medias, mais un miel teinté de quelque amertume : les petites phrases sont reprises, les arguments de fond, beaucoup moins.

L’approche de nouvelles séquences électorales, municipales et européennes, pourrait constituer, pour le Front de Gauche une opportunité pour s’inscrire davantage dans le paysage politique. Mais ça n’est pas gagné. Les élections municipales constituent pour le PCF un enjeu majeur, et la question des alliances, ou pas, avec le PS, se pose, divisant le PCF à l’instar de ce qui arriva lors des élections régionales. De plus, le désenchantement des citoyens devant la politique du gouvernement pourrait déborder l’électorat du PS et toucher l’ensemble de la gauche. Les risques sont moindres pour l’élection européenne, traditionnellement défavorable aux « gros » partis, même si le découpage en circonscriptions régionales, conservé contrairement aux engagements socialistes, leur offre une sorte de matelas de sécurité. De plus, l’élection européenne n’est pas un scrutin local, elle incite en conséquence à un effort programmatique, à l’élaboration d’un projet qui devrait, pour le coup, redonner de l’ambition à l’ensemble du Front de Gauche.

Il demeure enfin un aspect qui n’a pas trouvé de solution : nombreux sont les citoyens devenus méfiants ou déçus des organisations politiques. D’une part, le plus grand parti de France est sans doute celui des anciens adhérents des partis politiques. D’autre part, beaucoup de nos concitoyens se sentent concernés par le fait politique, mais rebutés par les « orgas », y compris celles qui constituent le Front, jugées parfois trop confidentielles, et/ou difficilement audibles, parfois un peu claniques (certains s’étonnent ainsi du départ ou de l’éloignement du Parti de Gauche de Marc Dolez, son unique député, de Claude Debons, qui fut un des piliers de la campagne du non au référendum européen de 2005, de Jacques Généreux, l’inspirateur du programme économique de Jean-Luc Mélenchon…), d’autres (le PCF) subissant encore, malgré ses importants travaux de ravalement, le poids encore lourd d’une histoire qui connut des épisodes glorieux et d’autres moins. Trouver au sein du front de gauche une place pour cette population, au delà des « personnalités de la société civile » devrait être un des axes du développement du Front, dont les organisations sont davantage soucieuses de renforcer leur propre boutique que de développer la maison commune. Nous voulons bien comprendre les « spécificités » de chaque organisation, les cultures historiques différentes, mais, avouons-le, il y a des moments où ça devient pesant. La FASE était (est ?) idéalement placée, par sa diversité, pour impulser cet accueil. A elle de voir.

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21 juillet 2013 7 21 /07 /juillet /2013 22:52
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21 juillet 2013 7 21 /07 /juillet /2013 22:48

Social-Eco - le 21 Juillet 2013

Après Bretigny. La SNCF malade de ses lignes

Enquête l'Humanité Dimanche sur l'état du réseau ferré français. Extrait. L’accident de Brétigny a déclenché une polémique sur la vétusté du réseau ferroviaire. Mais celle-ci occasionne surtout des retards ou des allongements de temps de parcours. Aujourd’hui, la circulation est ralentie sur plus de 3 000 kilomètres, soit 10 % du réseau. Témoignages d’usagers en colère.

Et si l’accident de Brétigny agissait comme un révélateur? Celui d’un réseau ferroviaire français à plusieurs vitesses, plombé par une lente agonie des lignes jugées non rentables. En 2011, le président de la SNCF en personne dressait une liste des «lignes malade » qu’il se promettait de remettre sur les rails de la modernité. Parmi elles, la ligne Paris-Orléans-Tours, qui passe précisément par Brétigny-sur-Orge et dont les usagers n’ont de cesse de pointer les carences. «Nous sommes affligés par cet accident», assure Farid Benhamou, du Collectif des gares du val de Loire (CGVL). «Nous avons toujours dénoncé la logique financière qui consiste à tirer le maximum de ces lignes du quotidien pour qu’ensuite l’État se serve dans la caisse. Résultat, la SNCF fait des bénéfices, mais ils ne sont pas réinvestis dans le réseau.» Les raisons qui ont poussé Farid et ses amis à créer ce collectif traduisent le niveau du malaise.

Suppressions de trains

Il y a deux ans, dans le cadre de son cadencement (refonte totale des plages horaires), la SNCF et RFF décidaient de manière unilatérale de supprimer certains trains. Pas ceux des lignes TGV, mais ceux des lignes secondaires empruntées soir et matin par les usagers pour se rendre sur leur lieu de travail. D’un coup, des centaines de personnes se retrouvaient le bec dans l’eau. «On osait nous parler de la ponctualité des trains restant», se souvient Farid. «Les lycées qui le pouvaient étaient obligés d’adapter leurs horaires de cours à ceux de la SNCF. Quand on sait que certains établissements techniques ont affaire à des publics difficiles qui font un effort de rescolarisation, c’est juste irresponsable. Et, plus généralement, toutes ces décisions concernant les lignes secondaires touchent les populations les plus pauvres qui n’ont pas forcément la capacité de se mobiliser.» Depuis, les usagers du val de Loire ont partiellement obtenu gain de cause, mais la vigilance reste de mise. «Certains élus sont totalement aveuglés par des projets type Notre-Dame-des-Landes, alors que les retombées, à investissements comparables, sont bien moindres que pour les lignes du quotidien», regrette plus généralement le militant associatif.

Pétition sur le système ferroviaire français. L'Association des voyageurs usagers des chemins de fer (Avuc) a lancé vendredi une pétition pour réclamer l'ouverture des données du système ferroviaire. Les données que réclame l'Avuc sont relatives aux équipements ferroviaires (âge et entretien des caténaires, voies, ballast, aiguillages...) et au matériel roulant (date de mise en service, état d'entretien, date de sortie du parc...). "En tant que voyageurs, nous voulons savoir avec quoi on roule et sur quoi on roule", a déclaré à l'AFP Willy Colin, porte-parole de l'Avuc.

Voyager debout

Au nord de Paris, Nora vit cette paupérisation au quotidien. Usagère des trains express régionaux (TER) de Picardie, elle se bat au sein du collectif Sncfvamtuer pour «un retour du triple A : Assis, À l’heure, Avertis». Autant dire, le minimum requis. «Tous les jours, nous devons supporter des trains en composition réduite. Du coup, les gens voyagent debout entre Amiens et Paris.» Et pas question d’attendre le train suivant. «Des salariés pointent, ont des comptes à rendre à leur employeur», explique Nora. «Et quand vous avez des mômes à récupérer le soir, vous ne pouvez pas laisser passer le 17 heures 49,même si vous savez qu’il sera bondé.» Alertée à maintes reprises, la SNCF explique qu’elle affecte un nombre de trains précis pour cette ligne et divise les trains en cas d’avarie.

Abandon du réseau secondaire

«Il suffirait de rajouter deux trains matin et soir pour que la situation s’améliore sensiblement», explique Nora. Sur le réseau Ouest, les usagers se sont regroupés au sein de l’Association des voyageurs usagers des chemins de fer (AVUC). Pour Willy Colin, son porte-parole, ces difficultés ne doivent rien au hasard : «L’offre TGV rapporte de l’argent, tandis que celle des trains d’équilibre du territoire, comme celui de Brétigny, en coûte. Donc, l’État fait clairement le choix d’une logique commerciale au détriment d’une offre de services.» Le Mans, son port d’attache, a la particularité d’être desservie par deux lignes. L’une TGV, l’autre classique. «Il n’est pas question d’être opposé au TGV qui désenclave les territoires et permet un développement économique, prévient Willy. Ce que nous déplorons, c’est l’abandon de ces réseaux secondaires.» Pour exemple de ces disparités, le TER du soir (moins cher, mais vieillissant et deux fois plus lent) a vu disparaître toute présence de contrôleurs. C’est désormais le conducteur qui doit veiller à la sécurité des passagers. Dans les années 1990, la SNCF reprenait la citation «Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous» pour en faire son slogan commercial. On en est bien loin...

Pour suivre les associations d'usagers: Collectif SNCFvamtuer, regroupant les usagers des lignes TER de Picardie : sncfvamtuer.wordpress.com et sur Twitter@sncfvamtuer Association des voyageurs usagers des chemins de fer (AVUC), regroupant des usagers de l’ouest de la France : avuc72.com et sur Twitter@SNCF_T Collectif des gares du val de Loire (CGVL), regroupant les usagers des TER et trains Intercités du val de Loire : collectifgaresvaldeloire.fr Blog animé par un conducteur de train : traincabview.wordpress.com et sur Twitter@conducteur_SNCF

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21 juillet 2013 7 21 /07 /juillet /2013 22:44
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21 juillet 2013 7 21 /07 /juillet /2013 22:41
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21 juillet 2013 7 21 /07 /juillet /2013 22:36
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18 juillet 2013 4 18 /07 /juillet /2013 18:32

Communiqué de presse

Le MRAP rend hommage à Henri Alleg,
grand militant anticolonialiste

Connu sous le nom d' Henri Alleg, qu'il avait pris lors de son passage dans la clandestinité pendant la guerre d'Algérie, Harry Salem est mort le 17 juillet à Paris. Il allait avoir quatre-vingt-douze ans.
Le MRAP tient à rendre hommage à ce grand militant anticolonial. Il présente à sa famille et ses amis, ses sincères condoléances et partage leur peine et leur tristesse Journaliste depuis 1950, Henri Alleg n'aura de cesse de dénoncer les « mœurs coloniales », notamment la torture pratiquée quotidiennement dans les commissariats et les gendarmeries d'Algérie.
A l'automne 1955, un an après le déclenchement de l'insurrection du 1er novembre 1954, il entre dans la clandestinité quand le quotidien Alger républicain, dont il est le directeur, est interdit et le Parti Communiste Algérien (PCA), dont il est membre, dissous.
Le 12 juin 1957, les parachutistes l'attendent au domicile de Maurice Audin.
Celui-ci, jeune assistant en mathématiques, lui aussi militant du PCA, est arrêté et mourra le 21 juin, sous la torture. La vérité sur la disparition de Maurice Audin n'a toujours pas, 56 ans après, été dite.
Dans son livre La Question qui reste un document majeur sur la torture, Henri Alleg avait témoigné sur les sévices qu'il avait lui même subis, en 1957, entre les mains des parachutistes français. Transféré à la prison de Rennes, il s'en évade en 1961.
Henri Alleg, engagé dans le combat contre le racisme notamment colonial, pour l'égalité entre les Hommes et les peuples, ainsi que pour la paix, l'indépendance et la démocratie en Algérie, restera dans nos mémoires comme symbole de courage et de justice Paris, le 18 juillet 2013

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14 juillet 2013 7 14 /07 /juillet /2013 21:56

Société - le 14 Juillet 2013

Déraillement de Brétigny-sur-Orge. "On s’attendait à des problèmes de caténaire, pas à un déraillement".

Composée de bénévoles, l’association CIRCULE (1) vise à « faire évoluer les conditions de transports » sur la ligne C du RER. Une de ses membres, Emilie Boudon, revient sur le déraillement de Brétigny-sur-Orge.

« Notre association d’usagers existe depuis une dizaine d’années. Elle est là pour faire entendre notre voix sur le fonctionnement de la ligne C et en particulier sur la partie sud de la ligne. Nous sommes en contact avec les institutions (SNCF, RFF, STIF) qui gèrent cette ligne pour faire entendre nos propositions. Cette ligne connaît de gros soucis depuis longtemps par manque d’investissement au profit des grandes lignes TGV : retards, suppressions de train à répétition, matériel abîmé, réduction du nombre de rames… On alerte sur la vétusté de l’infrastructure depuis longtemps mais on a quand même été très surpris et choqué par la violence de l’accident. Autant on s’attendait à des caténaires arrachées, avec un problème d’alimentation de la ligne, mais un déraillement, on n’avait jamais imaginé cela. Il y a deux ans, une caténaire a été cassée avec des gens bloqués dans les trains pendant des heures. On avait alors tiré la sonnette d’alarme. La ligne C paye le manque d’investissements financiers depuis des années. Avec le Grand Paris, c’est une occasion d’améliorer du matériel existant, encore faudrait-il mettre le paquet sur l’existant avant de penser à créer de nouvelles lignes. Des travaux de modernisation doivent intervenir à Brétigny sur orge depuis un moment. C’est regrettable qu’un tel accident survienne pour que les choses aillent plus vite »

(1) "Comité d’Initiative pour le Rassemblement et la Concertation des Usagers de la Ligne C en Essonne".

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14 juillet 2013 7 14 /07 /juillet /2013 21:54

Politique - le 14 Juillet 2013

Anicet Le Pors : "Défendons la conception d'un fonctionnaire-citoyen"

ENTRETIEN. Trente ans après la loi de 1983 sur le statut général des fonctionnaires, l’ancien ministre communiste de la Fonction publique (1981-1984) revient sur les multiples régressions et met l’accent sur la nécessité de redéfinir les valeurs du statut.

On fête cette année le 30e anniversaire du Statut Général des fonctionnaires dont vous avez été l’incontournable artisan. Pouvez-nous nous rappeler la lettre et l’esprit de ce statut ?
Anicet Le P
ors. Il faut remettre les choses dans une perspective historique. En rappelant déjà qu’en 1946, dans l’esprit du CNR (Conseil national de la Résistance), un ministre d’État communiste, vice-Président du Conseil, à savoir Maurice Thorez, a dirigé l’élaboration du statut démocratique fondateur de la conception française de la fonction publique. Ce statut était très novateur et organisait le classement des fonctionnaires en fonction de leurs qualifications, il définissait le système des rémunérations, il prévoyait également un régime spécial de sécurité sociale et de retraites pour les fonctionnaires. Il concernait alors 900 000 fonctionnaires. 37 ans plus tard, en 1983, alors ministre communiste de la fonction publique, j’ai réintégré dans le statut ce qu’une ordonnance de 1959, au moment de l’avènement de la Ve République, avait mis en dehors. Ce statut a réintégré également des éléments de jurisprudence de manière à le consolider. Par exemple la liberté d’opinion, le droit de grève, la capacité de négociation reconnue aux organisations syndicales. Surtout cette initiative a étendu le statut aux agents des collectivités territoriales et aux agents des établissements publics hospitaliers et de recherche. Dorénavant le statut couvre 5,3 millions de personnes, soit 20% de la population active. C’est un fait exceptionnel dans le monde. 20% de la population qui a donc la garantie de l’emploi, la crise a d’ailleurs montré que les agents publics, auxquels il faut ajouter les salariés des entreprises publiques (EDF, SNCF…) ont constitué un puissant « amortisseur social » face à la crise. C’est un atout considérable. Ces choix et réflexions politiques opérés en faveur du service public participent pleinement de l’identité du Parti communiste français eu égard aux ministres qui y ont contribué.

La RGGP, la MAP, l’acte 3 de la décentralisation… tous ces grands chantiers prétendent moderniser l’action publique. Que pensez-vous de ces évolutions des services publics engagées sous un gouvernement de droite puis prolongées, sous une autre forme, sous la gauche ?
Anicet Le Pors. Il faut distinguer strictement deux domaines. Il y a le domaine statutaire d’une part, le domaine financier de l’autre. En ce qui concerne le domaine statutaire je rappelle qu’en 2007, Nicolas Sarkozy avait annoncé une « révolution culturelle » dans la fonction publique. Elle consistait essentiellement à mettre sur un plan d’égalité l’entrée dans la fonction publique par concours et l’entrée par contrat. Il s’agissait de généraliser dans la fonction publique le contrat de droit privé conclu « de gré à gré » selon sa propre expression. Il a échoué avec la crise qui a montré la fonction d’amortisseur social dont je viens de parler et parce que l’opinion publique reste fondamentalement attachée à la fonction publique en France. Du point de vue statutaire donc, il n’est plus question de remettre en cause ce statut. Il faut considérer comme positif le fait que le gouvernement actuel ait jeudi dernier, par la tenue d’un colloque, fêté le 30e anniversaire du statut général des fonctionnaires. On est donc pour l’instant épargné de sa remise en cause, même partielle. Si bien que du point de vue statutaire, le climat est très différent entre 2007 et 2013.

Examinons maintenant le point de vue financier. Sous Sarkozy il y a eu la LOLF, puis la RGPP, démarche aveugle et irrationnelle. Elle était purement financière et a porté gravement atteinte aux services publics dans notre pays. Aujourd’hui, le gouvernement annonce la MAP (modernisation de l’action publique). Pour le moment, on n’en sait pas grand chose si ce n’est qu’il faut malgré tout lui associer des réductions de crédits considérables, une réduction des dotations aux collectivités territoriales, des difficultés aggravées dans le secteur hospitalier et un gel des rémunérations des fonctionnaires. Tout cela ne peut pas manquer de porter gravement atteinte à l’exercice des services publics. Cette partie financière nourrit les plus grandes inquiétudes. Même si ce projet se met à peine en route, ce qu’on en sait légitime qu’on soit très inquiet quant aux moyens alloués aux services publics dans les années qui viennent. La MAP, si c’est un objet économique non identifié et donc incertain, n’est pourtant pas à confondre avec la RGPP. Concernant l’acte 3 de la décentralisation version Hollande, on peut aussi craindre qu’il s’inscrive trop dans la continuité de l’acte 3 version Sarkozy. Cependant rien n’est accompli, il y a énormément d’hésitations de ce gouvernement, sur ce sujet comme d’autres, en atteste la décision de découper en trois un projet de loi primitif qui couvrait l’ensemble des domaines. Il est difficile de savoir ce qui sera finalement mis en œuvre.

Sarkozy s’est attaqué à toutes les administrations que j’appelle « rationnalisantes ». Déjà avait été supprimée la DATAR (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale), le Commissariat général du Plan ; Sarkozy a poursuivi avec le Conseil national d’évaluation, le Haut conseil des entreprises publiques comme celui des relations internationales. Tout ce qui relevait des administrations de contrôle et de rationalisation a été mis à bas par la RGPP. Certaines organisations visant à la rationalisation de l’action publique semblent ressuscitées, je me félicite par exemple de la création d’un Commissariat général à la stratégie et la prospective. Mais méfions-nous que cette volonté de rationalisation ne soit pas un trompe l’œil, si dans le même mouvement on se laisse solliciter dans la pratique par les règles du libéralisme. C’est cette contradiction paralysante qui menace le gouvernement.

Compte tenu des attaques régulières dont il fait l’objet, quel avenir imaginez-vous pour le statut général des fonctionnaires ?
Anicet Le Pors. Je n’ai jamais rencontré un fonctionnaire qui regrette dans la pratique les mesures prises en 1983. Tous les syndicats se félicitent de cette construction statutaire unique dans le monde qui est suffisamment équilibrée pour affirmer une unité de principes et une diversité des fonctions. Le statut est constitué de quatre lois, la première affirme les principes communs, les trois autres déclinent les spécificités de chaque fonction publique. Il y a, sur cette architecture statutaire, une forme de consensus républicain. Pourtant depuis 1983, il a été attaqué de toute part. Ces modifications sont un véritable enjeu politique. La loi Galland du 13 juillet 1987 a rétabli dans la fonction publique territoriale un système de « reçus-collés » qui fait qu’à l’issue du concours, on est classé par ordre alphabétique et non au mérite. Celui qui a le mieux réussi n’est ainsi pas sûr d’être nommé. Cela laisse une grande place à l’arbitraire pour ceux qui ont le pouvoir de nomination
En outre, toute une série de distorsions ont été opérées à travers 210 modifications législatives de ce statut. La multitude de ces atteintes a été récemment qualifiée de « transformations souterraines » par Christian Vigouroux, membre du Conseil d’État. Il attire l’attention sur le fait que si on ne revenait pas sur ces atteintes, si on poursuivait des modifications non fondées, on pouvait arriver, la chose est déjà engagée, à une « dénaturation d’ensemble ». Le défi consiste donc à débarrasser le statut de ces régressions successives qui ont été introduites. J’appelle cela un besoin d’«assainissement », immédiatement applicable puisqu'il ne coûte rien.
Très souvent, quand un gouvernement de droite succède à un gouvernement de gauche il n’hésite pas à défaire les acquis sociaux ; quand c’est l’inverse, la gauche gouvernementale ne touche souvent à rien, autrement dit elle consacre ce que la droite a fait. C’est une question de courage politique, courage qui doit aussi passer par l’identification de mesures structurelles, des grands axes de développement de la fonction publique du 21e siècle. Je pense à la gestion prévisionnelle à long terme des effectifs, l’amélioration de l’accès pour les femmes aux emplois supérieurs, une traduction effective de la mobilité (garantie fondamentale), la possibilité de changer de fonction en cours de carrière, etc.

Vous dénoncez régulièrement le lieu commun qui voudrait que les fonctionnaires soient des privilégiés. Vous proposez à cet effet d’utiliser un autre prisme de lecture dans la manière d’analyser les différences statutaires. Pouvez-vous nous préciser ce renversement « culturel »?
Anicet Le Pors. Cela est encore insolite (bien que proche de certaines propositions de la CGT), mais je pense qu’au lieu de tirer les fonctionnaires vers le privé et ses conventions, la bonne solution serait plutôt de renforcer la base législative de tout ce qui peut sécuriser l’emploi dans le secteur privé. J’avance l’idée d’un statut du travailleur salarié du secteur privé qui élèverait la sécurité dans la continuité de leur vie professionnelle. Il faut que les personnels à statuts s’occupent de ceux qui ne sont régis que par des contrats collectifs ou individuels. La « révolution culturelle » que je souhaite défend l’idée que ce qui est normal ce n’est pas la précarité du privé, mais la garantie d’une vie sécurisée qui permet la liberté. Si on ne fait rien on va dériver vers ce qui est en vigueur dans le privé, mais ce n’est pas cela le progrès, il faut mettre en pièce ce raisonnement. Opposer à cette logique d’autres armes idéologiques. Celles des valeurs du service public et de la fonction publique fondées sur trois principes. Premièrement un principe d’égalité par référence à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui a pour traduction d’entrer par concours dans la fonction publique. Deuxièmement le principe d’indépendance faisant que le fonctionnaire doit être propriétaire de son grade, ce qui le met à l’abri des pressions politiques, économiques et de l’arbitraire administratif, garanties de sa neutralité face à l’usager. Enfin le troisième principe est celui de la responsabilité selon lequel le fonctionnaire doit avoir tous les attributs de la citoyenneté française, qui entraîne qu’il doit rendre compte à la nation de l’exercice de sa mission conformément à l’article 15 de la Déclaration des droits. Ces 3 principes essentiels forment pour moi la conception du fonctionnaire-citoyen que j’oppose à la conception du fonctionnaire-sujet. Il peut disposer, à ces conditions, des mêmes droits et devoirs que l’ensemble des citoyens. Contrairement à l’Allemagne ou, par exemple, les fonctionnaires ne disposent pas du droit de grève.

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14 juillet 2013 7 14 /07 /juillet /2013 21:48
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